Contre la guerre de civilisations

Non à la criminalisation de la solidarité avec le peuple palestinien !

La guerre israélo palestinienne est un conflit de territoire. Certains à la droite et l’extrême droite veulent qu’il se transforme en guerre de civilisations ou de religions. L’ensemble des forces sociales et politiques sont sommées de désigner le Hamas comme une organisation terroriste sous peine d’être désignées comme des complices des dits terroristes. Cette injonction a en fait un seul but : amalgamer le Hamas et partant le reste de la résistance palestinienne à Daesh et assimiler la lutte de libération nationale du peuple palestinien à un combat terroriste. Celui qui illustre le plus parfaitement cette orientation qui va de l’extrême droite jusqu’à des franges de la « gauche » est Éric Zemmour qui dit tout haut ce que les autres pensent tout bas. Ils veulent importer la guerre de civilisation en France en prenant comme bouc émissaire les migrant-e-s.  C’est le recyclage d’une vieille rengaine. Dès 1993 le professeur américain Samuel Huntington dans un article, affirmait :  « Mon hypothèse est que, dans le monde nouveau, les conflits n’auront pas essentiellement pour origine l’idéologie ou l’économie. Les grandes causes de division de l’humanité et les principales sources de conflit seront culturelles. Les États-nations continueront à jouer le premier rôle dans les affaires internationales, mais les principaux conflits politiques mondiaux mettront aux prises des nations et des groupes appartenant à des civilisations différentes. Le choc des civilisations dominera la politique mondiale. » Il ajoutait : « Le sentiment d’appartenance à une civilisation va prendre de plus en plus d’importance dans l’avenir, et le monde sera dans une large mesure façonnée par les interactions de sept ou huit civilisations majeures : à savoir, les civilisations occidentale, confucéenne, japonaise, islamique, hindouiste, slave-orthodoxe, latino-américaine et, peut-être, africaine. ». Aujourd’hui cette recette mortifère s’applique à la Palestine. S’il est vrai que le Hamas défend un projet de société islamique conservateur et s’est rendu coupable d’assassinats de civils, il est aussi un mouvement de résistance reconnu en tant que tel par une grande partie du peuple palestinien qu’on le veuille ou non. En outre l’assaut et les crimes de guerre du 7 octobre n’ont pas été les seuls faits du Hamas. Le Djihad Islamique mais aussi des organisations de gauche comme le Front Populaire ou le Front Démocratique y ont participé. Enfin les crimes de guerre qui ont eu lieu le 7 octobre ont leurs pendants avec les crimes de l’État israélien qui a déjà fait au moins 4000 morts, plus de 10000 blessé.es et des centaines de milliers de déplacé.es. Dès lors ce qui est en jeu c’est la marginalisation des Palestinien.nes, leur invisibilisation, leur négation. Le projet de l’extrême droite israélienne a toujours été de chasser les Palestinien.nes de tout leur territoire, ceux de Gaza vers l’Égypte, ceux de la Cisjordanie vers la Jordanie. En opposant la guerre du bien à l’axe du mal, ceux qui soutiennent inconditionnellement les bombardements d’Israël sur Gaza soutiennent de fait ce projet d’expulsion des Palestinien.nes de tous les territoires où ils sont encore présents et nient le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Comme l’écrit Joseph Daher, professeur à l’Université de Lausanne et militant laïc syrien contre Bachar El Assad : « selon la logique israélienne et occidentale, c’est l’occupant colonial qui a un droit légitime à l’autodéfense, tandis que les Palestinien-nes colonisé.es et opprimé.es sont les agresseurs qui doivent être détruits. Tout cela s’inscrit dans la longue et continuelle histoire coloniale et impériale des États-Unis et des États européens, qui nient tout droit de résistance aux opprimé.es et qualifient ceux et celles qui luttent contre les structures coloniales, d’occupation et/ou autoritaires de terroristes qui doivent être violemment écrasé.es. Ce fut le cas du Front national de libération en Algérie, du Congrès national africain, de l’Armée républicaine irlandaise, de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) avant les accords d’Oslo, du Parti des Travailleurs du Kurdistan, et la liste est encore longue. » Toutes ces organisations ont participé ou organisé des opérations à caractère terroriste contre des États qui eux aussi pratiquaient le terrorisme d’état à grande échelle. Comprendre ce n’est en aucun cas justifier le terrorisme mais expliquer pourquoi nous devons nous opposer à cette vision à sens unique qui empêche toute réflexion critique envers l’État d’Israël. En Israël même les critiques contre la colonisation et la guerre de civilisations que mène l’extrême-droite israélienne sont énoncées dans la presse en des termes qui en France seraient passibles de condamnations. Le pouvoir en prenant position pour la punition collective des Palestinien.nes par l’État d’Israël nous entraine dans une spirale de la haine et de l’affrontement entre communautés. Macron et son gouvernement s’engouffrent dans une voie dangereuse en mettant en scène la guerre de civilisations. Ils criminalisent toute solidarité avec le peuple palestinien. Le ministre de l’Intérieur Darmanin, toujours dans la surenchère sécuritaire et autoritaire, instrumentalise le conflit en cours en confondant antisionisme et antisémitisme.

Ils interdisent toute manifestation de protestation contre l’intervention israélienne à Gaza. Ils verbalisent jusqu’à 750 personnes sur Paris samedi dernier en les ayant préalablement nassées durant des heures : 135 euros à chaque manifestant.e, ça dissuade !

Ils menacent de dissolution les organisations appelant à ces manifestations ou simplement appelant à soutenir le peuple palestinien et stigmatisent toutes les forces politiques qui dénoncent pourtant les crimes de guerre des deux côtés comme le NPA ou LFI

Ils empêchent les militantes palestiniennes en France de participer à toute réunion pour expliquer la position de leur peuple alors que dans le même temps les représentants de l’Ambassade d’Israël ont porte ouverte dans les médias et dans les manifestations

Nous dénonçons la longue dérive autoritaire et islamophobe du gouvernement macroniste dans laquelle ces interdictions s’inscrivent, dérive qui ne peut bénéficier qu’à l’extrême droite.  Nous refusons toute importation et instrumentalisation du conflit israélo palestinien. De ce point de vue ce qui s’est passé à Arras est évidemment très grave. Un enseignant a été tué et plusieurs personnes grièvement blessées après une attaque au couteau dans un lycée d’Arras. Nous adressons nos sincères condoléances à la famille de Dominique Bernard. Cet acte ignoble doit être dénoncé comme un acte terroriste islamo- fasciste. Il n’a rien à voir avec la nécessaire solidarité avec la Palestine et nous refusons qu’un tel acte soit instrumentalisé par l’extrême droite et la droite contre les musulmans. La situation est grave. La démission des forces de gauche et de l’écologie nous entraine droit dans le mur. Ne pas réagir aujourd’hui prépare la venue au pouvoir des néofascistes du RN.

Rappelons-nous qu’il y a quarante années tout juste, le 15 octobre 1983, la marche de l’égalité contre le racisme appelée faussement « Marche des Beurs » par les médias débutait à Marseille autour de huit jeunes des Minguettes, un quartier populaire de la banlieue lyonnaise. Le 3 décembre elle arrivait à Paris, soutenue par 100.000 personnes. C’est cette réponse de l’égalité et de la diversité contre la haine de la guerre des civilisations que nous devons construire ici et maintenant.

PEPS demande à toutes les organisations de la gauche associative, syndicale et politique, à toutes les composantes du mouvement social de se rassembler pour faire barrage à la criminalisation de la solidarité avec le peuple palestinien et à toute instrumentalisation et importation du conflit en France contre une partie de la population. Face à tous les racismes, à l’antisémitisme et à l’islamophobie, nous devons faire front commun. La solidarité n’est pas un crime. Être solidaire avec le peuple palestinien, c’est d’abord défendre les valeurs de l’anticolonialisme, de l’émancipation des peuples, les valeurs d’égalité et de liberté. C’est défendre l’idée d’une fédération des peuples d’Israël et de Palestine dans le cadre d’une Confédération Démocratique des Peuples du Moyen Orient.

Refusons la criminalisation du soutien au peuple palestinien :

Annulation de la circulaire Darmanin interdisant les manifestations de soutien au peuple palestinien,

Libération et liberté de circulation pour Mariam Abou Daqqa, militante palestinienne et féministe du du FPLP, originaire de Gaza,

Remise en liberté immédiate et sans sanction de toutes et tous les manifestant·es arrêté·es.

Cessez le feu et arrêt des bombardements contre Gaza.