Droits des personnes handicapées de  l’ ONU : Les reculs de la France, par Odile Maurin


Lors de la réunion en juillet 2021 avec le rapporteur de l’ONU pour la France, Mr. Jonas Ruskus, notre camarade Odile Maurin, présidente d’Handi social, a dénoncé les manquements des Articles 9, 13, 16 et 29 de la Convention des Droits des Personnes Handicapées. Ces remarques ont en partie été reprises dans le rapport final.

Article 9 : Accessibilité
Je regrette que les personnes handicapées et autistes comme moi qui ont du mal à être synthétique
ne bénéficie pas de temps supplémentaires pour s’exprimer devant vous conformément aux
principes de la convention. L’égalité, l’équité ce n’est pas d’avoir un temps d’intervention égal à
celui des professionnels du handicap qui parlent à notre place comme certains ici.
Alors que la France a inscrit depuis 46 ans dans ses lois et réglementations l’obligation
d’accessibilité, elle ne cesse de reporter les échéances et de limiter la portée de la réglementation.
En atteste l’ordonnance accessibilité de 2014 puis la loi ELAN de 2018. L’ordonnance accessibilité a
mis fin à la notion de continuité de la chaine de déplacement et a mis en place les agendas
d’accessibilité programmée dont on peut constater 7 ans plustard que les engagements pris ne sont
toujours pas tenus, sans que les citoyens puissent légalement demander des comptes aux autorités
et obtenir la réalisation des travaux promis. De plus, l’ordonnance accessibilité permet de déclarer
un établissement recevant du public comme accessible alors qu’une personne en fauteuil roulant
ne peut par exemple pas y pénétrer. Quant à la loi Elan, elle a divisé par 5 la production de logements
neufs accessibles, alors que nous avons de nombreux témoignages de personnes prisonnières de
leur logement inaccessible qui doivent attendre des années pour avoir un logement accessible. De
plus dans les logements sociaux, les rares logements accessibles sont loués à des personnes valides
car l’État n’a rien prévu.


Article 13 : Accès à la justice
Pour s’opposer au recul des droits occasionné par l’ordonnance accessibilité puis par la loi ELAN, et
après avoir utilisé tous les moyens institutionnels d’expression et de participation pendant près de
20 ans, agissant en état de nécessité, 16 militants d’Handi-Social dont une majorité en situation de
handicap, ont dû mener des actions de désobéissance civile non-violente pour dénoncer les mesures
discriminatoires subies par les personnes handicapées.
Si ce mouvement de désobéissance civile a recueilli une forte adhésion de la part des personnes
directement concernées, il a néanmoins été sévèrement réprimé au terme d’un procès inéquitable
au cours duquel l’accessibilité et les moyens de compensation ont fait défaut aux accusés (absence
d’interprètes pour une personne avec des difficultés d’élocution, de documents lisibles par une
aveugle, non-respect des mesures sanitaires, absence de sonorisation préjudiciable aux personnes
avec difficultés auditives, non-respect des règles de sécurité, impossibilité d’aller aux toilettes etc….
Le Tribunal n’ayant rien prévu malgré les alertes.
Plus grave encore, le ministère de la justice ne respecte pas les lois françaises puisqu’il est incapable
de produire l’approbation de l’agenda d’accessibilité programmée qu’il devrait détenir depuis 2015
et qui concerne l’ensemble des tribunaux de France et indique les engagements pris en termes de
finances et de calendrier pour réaliser l’accessibilité des tribunaux.
Pour des entraves à la circulation n’ayant pas duré plus d’une heure, ceux qui sont entravés au
quotidien 24h sur 24h et toute leur vie, écopent de peines de prison avec sursis et d’amendes,
suscitant l’indignation générale.


Article 16 : Droit de ne pas être soumis à l’exploitation, à la violence et à la maltraitance
Les situations de maltraitance institutionnelle dans le cadre des services d’aide et
d’accompagnement à domicile se multiplient du fait d’une tarification insuffisante de ces services
par l’Etat , aggravé par une insuffisance d’heures d’assistance personnelle accordées. Il faut par
exemple noter que le tarif de remboursement de la Prestation de Compensation du Handicap a
augmenté de 0,20 € en 15 ans et que la prestation ne couvre pas les besoins en activités ménagères
ne considérant pas comme essentiel de pouvoir faire ses courses, préparer son repas, et laver son
linge par exemple.


Le seul domaine où l’égalité des droits à réellement progressé en France, c’est en matière de
répression et de violences policières que les personnes en situation de handicap ont le droit de subir
tout comme les valides. Par exemple, au cours de la crise des gilets jaunes, beaucoup de personnes
valides sont devenues handicapées suite à des violences policières. Odile Maurin qui manifestait
pacifiquement, a de son côté subi 5 fractures du pied et une trentaine de bleus sur tout le corps de
la part de la police, qui pour se dédouaner l’a accusée de les avoir violentés. En prime du préjudice
subi, lors de ce procès, le magistrat a refusé de visionner les preuves de mon innocence et des
mensonges des policiers. La situation a été dénoncée par Amnesty international et est documentée
par de nombreuses médias locaux, nationaux et internationaux.


Article 29 : Participation à la vie politique et à la vie publique
Les personnes en situation de handicap ne bénéficient pas des moyens de compensation nécessaire
pour mener une campagne électorale à égalité avec les candidats valides. Quant aux moyens de
compensation nécessaires pour mener un mandat, les textes nécessiteraient d’être plus explicites
afin de bien prendre en compte l’ensemble des besoins tant physiques que cognitifs ou sensoriels.
Les montants prévus sont insuffisants car plafonnés sans tenir compte de la réalité des besoins.
Personnellement je suis élue municipale et je dois consacrer 80% de mes indemnités d’élus pour
mon assistance en tant qu’élue, contrairement aux autres élus valides.
Et pour conclure, nous affirmons notre plein soutien aux contributions qui sont portées par les
associations clé autistes et Alliance autiste ainsi que toutes celles qui n’ont pas de conflit d’intérêts
à cause des liens de dépendance qu’elles ont avec l’État qui finance leurs prestations.
Contributions d’Odile reprise en partie par d’autres associations


Article 4.3 : (Alliance autiste)
L’article premier de la loi du 11 février 2005 est contraire à l’article 4.3 de la convention.
Il met sur un pied d’égalité les organisations représentatives et les organisations qui offrent des
services et participent à la gestion des établissements et services, ce qui est aussi contraire au
considérant 14 de l’observation générale numéro 7 qui dit d’une part qu’il convient d’établir une
distinction entre les organisations de personnes handicapées et les autres organisations de la
société civile, et d’autre part que les états partis devraient donner la priorité aux vues des
organisations de personnes handicapées lorsqu’ils examinent les questions relative aux personnes
handicapées.


De plus, l’article premier de la loi parle de présence simultanée, mais ne définit pas la part que
représente chacun des types d’organisation ce qui permet aux organisations de la société civile qui
offre des prestations d’être majoritaires.


Par ailleurs, le fait que les représentants des personnes handicapées sont nommés sur proposition
de leurs associations ne précisent pas de conditions de transparence et d’équité sur les modalités
de leur nomination, et laisse donc tout loisir aux autorités de choisir qui bon lui semble sachant
que les associations qui offrent des services sont complètement dépendantes des financements de
l’État et peu enclines à critiquer la main qui les nourrit. Contrairement aux points 52 et 57 de
l’observation générale numéro 7, l’État n’a pas mis en place de mécanismes qui permettent de
dénoncer les conflits d’intérêts dans lesquelles se trouvent les représentants d’organisations de la
société civile.


Bien au contraire, en France, ce sont ces organisations prestataire de services qui prétendent
parler au nom des personnes directement concernées et qui sont les interlocuteurs privilégiés de
l’État. Les organisations d’auto représentation ne bénéficient pas des moyens matériels et
humains qui leur permettraient de s’immiscer dans le dialogue que l’État réserve aux organisations
prestataire de services. Ce qui a un impact majeur sur toute la politique menée en France.
Points abordés dans les questions réponses :

Pour en savoir plus: le blog d’Handi social: https://www.handi-social.fr/articles/actualites/handi-social-denonce-les-reculs-et-manquement-de-la-france-au-comite-des-droits-des-personnes-handicapees-de-l-onu-523327