Le combat des salariéEs d’Arcelor Mittal, une lutte pour l’écologie populaire et ouvrière

Témoignage- Je suis native de Dunkerque, j’ai grandi à Saint Pol sur mer. Mon père était maçon fumiste. Il faisait l’entretien des réfractaires sur l’ensemble du site d’Usinor Dunkerque. J’ai grandi au rythme de l’usine, des postes, des noël travaillés ou chômés en fonction des années, des yaourts de la cantine qu’il nous rapportait quand il finissait du matin. Toute notre vie de famille était liée à l’usine ; il y avait les bons moments, la Saint Eloi, le carnaval, les rencontres au café avec les collègues, les vacances dans le sud avec le comité d’entreprise.

Il y avait les mauvais moments ; les accidents, les pollutions, l’amiante, les licenciements. Quand j’étais petite, dans les années 80, ma mère lavait les bleus bourrés d’amiante dans une machine dédiée, dans le garage. Elle regardait le sens du vent avant de pendre les draps dans la cour, parce que si le vent venait de l’est, ils devenaient gris rouge. Les usines d’Arcelor Fos et Dunkerque sont les deux sites les plus polluants du pays.

Puis il y a eu cette journée, en 1986 je crois, terrible, où mon père est rentré de l’usine. Il pleurait. Des licenciements étaient annoncés, on ne savait pas qui dans le quartier allait tomber, qui allait rester. Ce jour là, j’ai senti une colère froide, un sentiment de révolte qui ne m’a plus jamais quittée, et qui est l’élement déclencheur de l’engagement militant de toute ma vie.

Les années qui suivirent, les cas de cancers de l’amiante se multiplièrent dans le quartier. Malgré le discours rassurant de certains médecins du travail de l’usine, les faits étaient là. Un jour, alors que la dernière visite de mon père à la médecine du travail avait conclu à un parfait état de santé, un examen de routine chez le médecin de famille révéla la présence de plaques pleurales. L’épée de Damocles était sur nos têtes, le cancer pouvait se déclarer à tout moment. Le combat des salariés de Sollac, avec l Ardeva et le collectif des veuves de l’amiante, pour la reconnaissance de sa responsabilité dans les morts de l’amiante a renforcé mon désir de justice.

Moi même touchée par un cancer d’origine inconnue 30 ans plus tard, je me pose la question: cette maladie a t-elle un lien avec l’environnement toxique dans lequel j’ai grandi? Si rien ne permet de le certifier, rien non plus ne permet d’invalider l’hypothèse.

Cette expérience de vie a contribué, 35 ans plus tard, à la création de Peps, collectif Pour une Ecologie Populaire et Sociale, pour qui le moteur et la base du combat écologique aujourd’hui, ce sont les classes populaires et ouvrières, premières concernées et premières actrices de la lutte pour la vie contre le capitalisme écocidaire.

Arcelor, c’est un lieu de vie, une ville dans la ville. Aujourd’hui, à nouveau, des licenciements massifs sont annoncés. On sait qu’au delà des emplois directs menacés, ce sont 20 000 emplois induits qui sont concernés, soit une famille sur 5. Or, Mittal n’est pas en faillite : 1,3 milliards d’euros de bénéfices en 2024, et 1,3 milliards d’euros de dividendes aux actionnaires, plus les 300 millions d’aides octroyés par l Etat et les 850 millions de soutien à la décarbonation.

Une activité de cette importance stratégique ne doit pas être aux mains des profits privés. L’enjeu est collectif, à commencer par les travailleurs et travailleuses eux mêmes, premiers concernés, et par les riverains et riveraines, qui connaissent le mieux l’impact de l’activité industrielle sur le territoire, aussi bien en terme d’emplois que de santé.

C’est pourquoi, à Peps, nous nous tenons aux côtés des salariés et de leur famille pour la satisfaction de leurs revendications immédiates, et, au-delà, pour la socialisation de l’activité sidérurgique sur le territoire et pour une production d’acier la moins polluante possible.

Soutien aux salariés d’Arcelor

Peps soutient pleinement les revendications immédiates des travailleurs d’Arcelor-Mittal et appelle à ce que leur lutte soit soutenue le plus largement possible.

Au delà de la nationalisation, la socialisation

L’Etat tend à abandonner facilement ses industries et services aux classes possédantes dont il sert le plus souvent les intérêts. Au-delà de la nationalisation d’Arcelor, nous soutiendrons également tout processus de socialisation de l’entreprise, sous contrôle et propriété collective des salariés et des riverains, premiers concernés et experts de la gestion des sites au quotidien.

Arcelor doit rendre l’argent

Arcelor a empoché des centaines de millions d’euros d’argent public : nous exigeons le remboursement des sommes octroyées par l État qui n’ont pas été utilisées.

Pour des tarifs douaniers au niveau européen

Il paraît qu’en Inde et ailleurs la production d’acier coûte moins cher : mais à quel prix ? Dans quelles conditions de travail et de santé, au prix de combien de morts directs et indirects liés à cette activité dangereuse? Nous appelons à une grande manifestation de tous les salariés des sites concernés en Europe, pour exiger de la Commission Européenne des droits de douane pour les importations qui ne respectent pas les normes sociales et environnementales.

Pour la santé des salariés et de l environnement, pour l’avenir de nos enfants

– Nous appelons à la reprise du projet de décarbonation.

– En plus du maintien de l’emploi de tous les salariés d’Arcelor, l’embauche de personnels supplémentaires pour maintenir la sécurité de ce site Seveso et son entretien face aux risques sanitaires et environnementaux est indispensable.

– Nous soutenons la création d’une activité de dépollution sur le site et alentours.

– Aujourd’hui l’air, l’eau et la nourriture sont pollués et la planète devient peu à peu inhabitable. Pour offrir un avenir vivable à nos enfants, il sera aussi indispensable d’engager une réflexion générale sur l’activité sidérurgique et limiter la production d’acier aux biens nécessaires. Si la production industrielle est au service du bien commun, il ne s’agira plus de produire toujours plus pour répondre aux profits privés, mais de produire moins et mieux pour répondre aux besoins des habitants dans la limite de ce que peut supporter la nature, tout en préservant les emplois et les conditions de travail et de santé des salariés.

Tous et toutes ensemble aux côtés des salariés

Arcelor, ce sont les salariés, mais aussi les femmes, les enfants, les voisines. Les luttes sur la longue durée ont toujours été le fait des femmes. Combien d’années les veuves de l’amiante ont-elles montré leur détermination ? Les femmes sont le socle qui permettra de continuer la lutte sur le long terme.

Nous étions tous et toutes ensemble le 1er mai, journée de la grève internationale des travailleurs, et nous serons aussi là, le 13 mai prochain à Paris parce que le combat des salariés d’Arcelor est un combat pour nos vies, un combat pour l’écologie populaire et ouvrière.

Peps appelle à soutenir le rassemblement des salariés d’Arcelor

devant le siège d’Arcelor Mittal

Mardi 13 mai 2025 à partir de 10H

Immeuble « Le Cézanne Â», 6 Rue André Campra, 93210 Saint-Denis

(RER D Station Stade de France)

Marjorie Keters, syndicaliste, co-porte parole de Peps

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