Extrait d un album de TinTin

Nous sommes revenus au suffrage censitaire. Seules les classes aisées et les retraités nantis sont venus voter. 10 % ou moins des inscrits vont permettre de gouverner des régions ou des départements et ce sans compter les immigrés privés du droit de vote. Mais cette fois ci, nous avons affaire à une grève du vote :  les électeurs s’engouffrent sur les chaloupes abandonnant les formations politiques qui imperturbablement continuent à jouer la même rengaine. Les uns sont satisfaits de leur performance, constatant sans gêne qu’ils maintiennent leurs positions, les autres s’en prennent à leurs électeurs coupables de désertion. Mais les uns et les autres continuent comme s’y rien n’était à jouer au jeu des alliances de second tour, à faire des petites magouilles, à trahir son camp. Le spectacle continue et le dégoût monte parmi les classes populaires qui ont massivement boycotté l’élection.

Bien sûr, cette abstention massive qui s’apparente à un boycott passif n’a pas une seule et même cause. Entre celles et ceux qui n’ont pas voté parce qu’ils ne se retrouvaient pas dans l’offre politique et celles et ceux qui considèrent que voter est inutile, il y a des différences. Mais sur le fond, une majorité du peuple dit : voter ne sert plus à rien puisqu’ « ils » ne s’intéressent qu’à eux-mêmes ». Entre « eux » qui se croient au-dessus du panier et « nous » qui «ne sommes rien », le fossé est si irrémédiable que même celles et ceux qui ont voté n’y croient plus comme l’indique les sondages à la sortie des urnes.

De ce point de vue les élections des deux derniers dimanches sont une réplique du mouvement des Gilets Jaunes. L’orchestre de la caste politique peut continuer à jouer du violon et du pipeau. Mais ce sera sans nous. Quand le « nous » ce sont d’abord les jeunes, les femmes et les classes populaires, cela veut dire d’abord que cette démocratie-là n’a plus de sens. Elle ne représente plus que les intérêts particuliers de barons régionaux depuis que Hollande a, sur un coin de table, redessiné de grandes régions sans aucune réalité. Il nous faut une proportionnelle totale à un tour, sans prime au gagnant. Là c’est un désaveu total de la fausse démocratie de la 5ème République. Voilà le premier enseignement de ces élections.

Défaite par KO du RN et de LREM

Le second enseignement, c’est la défaite par KO des deux formations dont les candidats- dixit les sondages -pourraient figurer au second tour des présidentielles. Le RN et LREM ont été défaits par les vieux appareils territoriaux du PS et des Républicains. Cette situation montre à la fois la déconnexion entre les élections locales et l’élection présidentielle, pivot de la Vème République, et en même temps le refus du match présenté comme inéluctable entre Macron et Le Pen.

Cette dernière est victime de la défiance nouvelle de l’électorat populaire à son égard. Plus elle se dédiabolise, plus elle devient une partie intégrante du « système » qu’elle prétend combattre. Elle est victime également de son manque d’enracinement local et de ses divisions internes qui se traduisent à chaque fois par la fuite de ses élus. Quant à Macron, ses manœuvres à l‘emporte-pièce pour diviser la droite ont piteusement échoué. Le naufrage dans les Hauts de France a renforcé Xavier Bertrand qui apparaît comme le plus crédible de ses opposants. Le parti du Président n’existe pas. Macron aura plus de mal à imposer la réforme des retraites et celle de l’Assurance chômage bloquée par le Conseil d’Etat. La claque subie par Macron et son parti est une excellente nouvelle. Le bloc bourgeois a un cerveau mais il n’a pas de corps.

La gauche plurielle est devenue la gauche plus rien

La troisième leçon est la faiblesse de la gauche et des écologistes. Qu’elle soit unie comme dans les Hauts de France, ou désunie comme en Ile de France, la gauche a un étiage de 20 à 30 %. Elle a été rarement aussi bas par le passé. Et en même temps sa désunion, malgré toutes les tentatives « unionistes » (Primaire Populaire, 2022 en commun…), s’accentue. La forme rénovée de l’union de la gauche, même sous domination EELV, n’est plus car elle n’est adaptée ni aux exigences du social libéralisme, ni aux nécessités de la transformation sociale.

Le PS quand il le peut rejette l’union en Bretagne, Occitanie et Nouvelles Aquitaine. Le PCF continue sa descente aux enfers en perdant son dernier département, le Val de Marne. La FI, elle, a tenté en jouant pour la première fois une carte unitaire de masquer ses faiblesses d’implantation et les propos parfois problématiques de Jean Luc Mélenchon. Quand elle se présente seule, hormis l’île de France, elle tourne autour de 5 à 6%.

La girouette EELV

EELV a perdu son pari. Elle n’a pas réussi à transformer l’essai des municipales. Elle se croyait hégémonique et voulait truster la première place dans toutes les configurations.  Elle a gagné de quelques points par rapport au PS dans les régions ou celui-ci n’avait pas de sortants, mais n’a pas réussi à créer la moindre dynamique pour le second tour. EELV va maintenant s’entretuer au cours de ses primaires. Le fait que l’arbitre des élégances soit Jean-Marc Governatori, cet affairiste qui considère que les élections sont un business comme un autre et qui n’a pas hésité à se présenter seul pour appeler à soutenir Muselier contre l’union de la gauche emmené par… EELV, montre que la dérive de l’écologie libérale et sociale-démocrate est bien entamée.

EELV s’aligne de fait de plus en plus sur les Verts allemands, c’est à dire sur une écologie light qui veut d’abord convaincre les déçus du macronisme. Mais, même en s’en remettant dans les Pays de Loire à un ex député macroniste, Mathieu Orphelin, qui a voté toutes les lois anti sociales du début du quinquennat de Macron, de l’ISF aux lois travail et à la privatisation de la SNCF, elle n’arrive pas à convaincre.

Nous devons combattre résolument l’illusion néo centriste de EELV. Cette formation politique, comme le PS des années 70, est le nouvel outil que les classes moyennes à capital culturel élevé des centres-villes se donnent comme instrument politique pour être un partenaire incontournable du système.

Résister et construire l’écologie de rupture

Dans la nouvelle phase qui s’ouvre, l’organisation de la résistance à la démoralisation, la démotivation, l’éparpillement est l’urgence absolue.  On peut s’attendre à des explosions de colère sans lendemain et des règlements de compte au sein et entre les partis. Nous devons refuser ces impasses et proposer la construction du mouvement de résistance à la politique de contre-réformes anti sociale, anti écolo et anti immigré de Macron.

C’est dans les quartiers populaires et sur une base d’organisation territoriale et décentralisée que devra se forger la résistance au macronisme, aux LR et à l’extrême droite. Dans ce cadre il n’y a plus de priorité entre l’urgence sociale, sociétale et environnementale. C’est l’accumulation des injustices et des inégalités qui alimente le détonateur des résistances. La précarisation des conditions de vie ne se résume pas à la question du travail, du logement ou du revenu. C’est la lutte contre la précarisation et la marchandisation de la vie qui doit être l’enjeu de la résistance.

La crise du Covid a montré l’immense besoin de prévention, de protection et de sécurisation de la plus grande partie de la population. Refuser d’être des kleenex, corvéables, vendables, jetables à merci c’est déjà lutter contre le macronisme. C’est ce que font nos camarades de PEPS 93 dans la lutte pour la sauvegarde des Jardins ouvriers de Pantin et Aubervilliers contre les JO et la gentrification. C’est ce que font nos camarades de PEPS Mulhouse avec les cantines populaires ou les magasins pour rien.

La défense des libertés démocratiques est le second pilier de la résistance. La stigmatisation des pauvres, des jeunes, des immigrés et des « classes dangereuses » a été le cheval de bataille du Président de la République. Cette stigmatisation passe aujourd’hui par la campagne contre les islamo-gauchistes et les décoloniaux. Elle s’appuie sur Valls et le Printemps Républicain. Toute concession ne servirait à rien sauf à renforcer les idées d’extrême droite Nos camarades de PEPS Isère, en organisant le Mois Décolonial, ont su y résister.

ll faut maintenant s’atteler à une refondation stratégique de la gauche autour d’une écologie populaire de rupture anticapitaliste, ancrée dans les mouvements sociaux, dans les ZAD et les combats pour le droit à une vie digne.

De toutes ces questions, des échéances présidentielle et législative, nous en discuterons dans la Drôme à nos Rencontres d’été du 23 au 27 aout.

https://www.facebook.com/events/4314663371897241 .Vous y êtes les bienvenu-e-s pour en débattre avec nous et construire ensemble la mouvance de l’écologie de rupture, à même de proposer une perspective aux effondrements qui s’annoncent.

PEPS, le 29 juin 2021