L’édito de PEPS :  L’environnementalisme contre l’écologie politique

L’écologie est toujours au premier plan de l’agenda médiatique et politique. Un résumé du prochain rapport du GIEC – Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – annonce pour 2050, voire avant, des effets dramatiques du dérèglement climatique pour la nature et les hommes. « Le pire est à venir » pour l’humanité, alerte le GIEC car si « la vie sur Terre peut se remettre d’un changement climatique majeur en évoluant vers de nouvelles espèces et en créant de nouveaux écosystèmes, l’humanité ne le peut pas. Ces dernières semaines une série d’évènements a montré que la réalité allait bientôt dépasser les prévisions du GIEC.

Dans l’Ouest du Canada et en Californie une vague de chaleur inédite a fait des centaines de morts. Vendredi 2 juillet, le nombre d’incendies  en Colombie-Britannique, s’établissait à 152. Un millier de personnes ont été évacuées jeudi dans la province, où un incendie de forêt a brûlé près de 90% du village de Lytton. Cette canicule a fait près de 700 morts au Canada et au moins 16 aux États-Unis.

A Chypre, un énorme incendie a ravagé des pans entiers du massif forestier du Troodos  lundi 5 juillet près de 48 heures après le déclenchement du pire sinistre depuis des décennies. Le feu, déclenché samedi après-midi dans la localité d’Arakapas près de Limassol, dans le sud du pays, et attisé par la chaleur caniculaire et les vents, s’est propagé à huit autres localités. Quatre travailleurs égyptiens ont été tués, brûlés par les flammes alors qu’ils tentaient de prendre la fuite dans le village d’Odos. Des dizaines de maisons et de propriétés privées ont été détruites.

Dans le sud de Madagascar, la sécheresse fait rage depuis plusieurs mois, causant une famine qui touche plus d’un million de personnes. Selon le Programme alimentaire mondial des Nations Unies, près de 1,14 million de personnes se trouvent en situation d’insécurité alimentaire sur les 27,2 millions d’habitants du pays. Selon l’ONU, « l’instabilité climatique est un facteur majeur de l’augmentation de la faim dans le monde et est l’une des principales causes des graves crises alimentaires ». 41 millions de personnes dans 43 pays sont actuellement au bord de la famine, contre 27 millions de personnes en 2019. Beaucoup vivent dans des pays en guerre mais l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) assure en effet que « l’instabilité climatique est un facteur majeur de l’augmentation de la faim dans le monde et est l’une des principales causes des graves crises alimentaires ». Selon le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), si rien n’est fait, 600 millions de personnes supplémentaires pourraient souffrir de la faim d’ici à 2080 à cause du changement climatique.

Ces faits montrent que la crise écologique est au centre des préoccupations mondiales mais qu’en même temps rien n’est fait pour enrayer les désastres annoncés. Tout le monde se réclame de l’écologie mais ce terme est employé pour désigner deux réalités pourtant bien différentes : la simple protection de l’environnement et la rupture avec le système qui a généré la mise en danger de l’humanité.

En réalité nombreux sont ceux qui confondent environnementalisme et écologie politique. L’environnementalisme se concentre sur les conséquences environnementales des activités humaines (pollution, risques sanitaires, déforestation, etc.) et considère que de simples aménagements de notre système social et économique permettront de les contenir. L’environnementalisme est peu engageant, c’est la compresse sur une jambe de bois et tous les partis politiques peuvent le mettre à leur programme. Or, il ne suffit pas de reconnaître la gravité des conséquences de la crise écologique, de faire le tri sélectif et d’ajouter du bio dans les cantines pour se dire écologiste. Aux antipodes de cette approche superficielle de l’environnementalisme se trouve l’écologie politique proprement dite.  

L’écologie politique ne s’intéresse pas seulement aux dégradations environnementales mais propose une analyse de leurs causes profondes reposant presque entièrement sur notre système économique capitaliste-productiviste, notre organisation politique centralisée et la volonté de dominer la nature.

A partir de ce constat, l’écologie politique réfléchit à des projets politiques globaux qui permettraient une rupture solidaire et collective vers une société respectueuse de la Terre et de ses habitants. Ce qui veut dire par exemple sortir de notre modèle d’agriculture productiviste concurrentiel et mondialisé qui est la véritable cause de la destruction des écosystèmes et des souffrances de la petite paysannerie.

L’écologie politique considère que le même processus qui est à l’œuvre dans la destruction de la Nature est responsable de nos crises sociales et politiques. Ce processus nous le connaissons Ce sont la course au « progrès » technologique et à la compétitivité, la mise en concurrence mondialisée et la gestion technocratique, la colonisation publicitaire de nos esprits et l’obsolescence programmée des objets, l’aliénation à la société d’hyperconsommation et d’hyperproduction.

Contre ces mouvements, l’écologie politique plaide pour une sortie du capitalisme et un autre mode de production de consommation qui par l’autogestion généralisée favoriserait la vie digne et bonne et les liens locaux, et organiserait la gestion sage des biens communs. A l’environnementalisme qui cherche à trouver des palliatifs techniques ou administratifs dans tous les domaines des activités humaines, pour diminuer les problèmes insolubles engendrés par un système de domination, il faut opposer un écologisme radical et conséquent, doté d’une vision globale du défi qui se pose à l’humanité par rapport à sa propre raison d’exister en tant qu’espèce.

Alors que les primaires d’EELV sont un casting où il s’agit de choisir entre des personnalités qui défendent des aspects de l’environnementalisme sans vouloir changer de système, nous considérons que le temps est venu pour les écologistes de rupture de rompre avec ce vieux monde.

De toutes ces questions, des échéances présidentielle et législative, nous en discuterons dans la Drôme à nos Rencontres d’été du 23 au 27 aout.

https://www.facebook.com/events/4314663371897241 .Vous y êtes les bienvenu-e-s pour en débattre avec nous et construire ensemble la mouvance de l’écologie de rupture, à même de proposer une perspective aux effondrements qui s’annoncent.

PEPS, le 6 juillet 2021