L’escalade des tensions depuis la visite de Nancy Pelosi sur l’île de Taïwan soulève, de nouveau, la question du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, après l’invasion russe en Ukraine. La réaction démesurée politique, économique et militaire de la Chine à cette visite personnelle de la Présidente du Congrès des USA marque la volonté du Parti Communiste Chinois et de son dirigeant Xi Jinping de reprendre le contrôle de l’Ile au nom de la fiction d’une seule Chine. En France, les enjeux de cette région lointaine sont mal connus. Au point que des leaders de gauche n’hésitent pas à reprendre les arguments de la propagande chinoise sur la Chine « Unique » alors que l’île est indépendante de fait.
Nommée République de Chine sous la dictature militaire de Chang Kaï Tchek, Taiwan porte encore aujourd’hui un nom qui ne correspond pas aux aspirations de sa population. Le Kuomintang qui a dominé l’île depuis 1949 revendiquait la souveraineté sur l’ensemble de la Chine continentale en niant toute volonté d’autodétermination au peuple de l’île qu’il a de fait envahi, fuyant l’armée de libération chinoise. La population taïwanaise est parvenue à renverser la dictature militaire et à imposer un régime démocratique. Les partis de droites coalisés autour de l’ancien parti dictatorial fond face à une alliance de gauche pro-Taïwan allant du Minchintang (parti démocrate progressiste) au pouvoir qui défend le maintien du statu quo, au TSU indépendantiste, en passant par le parti vert taïwanais. Malgré une politique de plus en plus libérale, dans la veine de la dérive des partis socio-démocrates des années 2000, cette coalition refuse le nucléaire, soutient les peuples autochtones, l’inclusion des minorité LGBT+. Ces positions font de Taïwan l’un des pays les plus avancés d’Asie sur le plan écologique et sociétal.
Les Taïwanais utilisent les caractères de l’écriture traditionnelles (maintenant interdits en Chine où ils sont simplifiés), leur langue a évolué seule depuis plus d’un siècle, correspondant à une histoire longue et singulière. Certains historiens font remonter les origines de l’identité taïwanaise au royaume fondé par le pirate Koxinga en 1661 (avant la colonisation des Qing) qui a notamment chassé les colons hollandais de l’île. Aujourd’hui, Taïwan est aussi riche que l’Autriche, pour trois fois plus d’habitants. Comment trouver normal qu’une démocratie, qui n’a rien à envier aux Etats européens, ne soit toujours pas reconnue par l’ONU, sous prétexte qu’une dictature lui refuse ce droit au nom d’ambitions impérialistes?
Après la répression du mouvement démocratique de Hong-Kong et la répression concentrationnaire des Ouïghours, la jeunesse Taiwanaise refuse tout retour de l’île dans le giron chinois. Ceux qui défendent le retour de Taiwan en Chine vivent dans la nostalgie et se recrutent dans les personnes âgées liées aux générations des militaires qui se sont réfugiés dans l’île en 1949. Dans les sondages d’opinion, environ 55% des Taïwanais se prononcent pour l’indépendance officielle de leur île, contre 12% pour une réunification et 23% pour maintenir le statu quo
Alors que le gouvernement chinois parle d’une « nécessaire rééducation » des Taïwanais en cas d’annexion de l’île, la voix d’une réunification sur le modèle « un pays, deux systèmes » n’est plus envisageable de part et d’autre du détroit.
Pour le droit à l’autodétermination des peuples, au progrès de la liberté et des dignités humaines nous apportons notre soutien au peuple taïwanais.
Ce peuple est pris entre les ambitions géopolitiques des empires chinois, américain et de l’ancien empire japonais. Il jongle entre une dépendance économique à la Chine et une dépendance militaire à l’Amérique. Les 23 millions de personnes qui composent ce peuple ne sont pas des pions stratégiques dans un camp ou un autre. Elles souhaitent vivre en paix et être reconnues par la communauté internationale comme une nation autonome. Le statu quo ne sera pas maintenu par Pékin, qui construit un discours revanchard et belliciste extrêmement inquiétant depuis 10 ans. A l’image de l’Ukraine, l’invasion par la Chine est devenue une possibilité. A l’heure où le monde est de moins en moins stable et où le spectre d’une guerre mondiale se réanime, nous devons tout faire pour empêcher de nouvelles agressions de caractère impérialiste et colonial. Quel que soit le jeu trouble de l’impérialisme américain, la Chine ne peut continuer à agir en contradiction avec le droit international, en bafouant le droit des peuples de la région qu’ils soient ou non dans ses frontières internes.
PEPS, que ce soit pour la Catalogne, l’Ukraine, la Palestine, le Kurdistan ou Taïwan n’a qu’une position, celle du respect des droits des peuples à disposer d’eux même. PEPS, organisation qui se réclame de l’écologie sociale, met en avant la notion de confédéralisme démocratique qui respecte l’égalité totale des droits entre différentes nationalités. Aussi comme pour le Moyen Orient, l’Europe ou d’autres parties du monde, PEPS se prononce pour une Confédération Démocratique des Peuples de Chine.
La Chine est composée de différents peuples (au moins 56 nationalités) qui sont aujourd’hui dominées par une seule ethnie, les Hans, sous un régime colonial. Pourtant, le peuple tibétain, le peuple du Turkestan chinois, les Ouïgours, le peuple mongol, les Mandchous, les peuples de Hong Kong et de Macao, les peuples autochtones, ont les mêmes droits. Droits par ailleurs formellement reconnus mais jamais appliqués dans la constitution chinoise. La Chine se définit comme un état multinational unifié. Mais seule une vision centralisée d’un État oppresseur des différentes ethnies, s’impose depuis l’accession au pouvoir du Parti Communiste Chinois. Elle s’appuie sur un récit national revanchard des Hans qui ont connu l’occupation d’empires étrangers et sur le traumatisme des guerres civiles entre seigneurs chinois. Mais en Chine comme ailleurs, il est fini le temps des colonies.
En Ukraine comme à Taïwan, les positions campistes, qui sont uniquement orientées contre un ennemi principal, l’impérialisme américain, ne permettent pas de comprendre les nouvelles contradictions nées de la mondialisation du capital et de la Chute du Mur de Berlin. Elles subordonnent surtout les aspirations des peuples à une vision où des impérialismes s’affrontent sans espoir pour les peuples de se libérer par eux-mêmes. Nous sommes résolument opposés à cette vision complotiste et manichéiste de l’Histoire.
Le peuple est l’acteur principal de son destin et le moteur des révolutions. La résistance du peuple ukrainien contre l’impérialisme russe, comme celle jadis du peuple vietnamien contre l’impérialisme américain, a montré les capacités d’un peuple en armes à se défendre contre une grande puissance. C’est pourquoi nous demandons la reconnaissance par la France et l’Europe de l’identité du peuple de Taïwan et de son droit à l’autodétermination.
PEPS le 07/08/2022