L’Europe n’est pas à vendre, ni à Trump ni à Poutine

Le troisième anniversaire de la guerre coloniale russe en Ukraine et les élections allemandes démontrent la faiblesse de l’Europe coincée entre les deux impérialismes convergents de Poutine et de Trump. Depuis l’élection de ce dernier, la volonté d’en finir avec la résistance du peuple ukrainien est maintenant partagée par les oligarques, chinois, russes, et américains. Tous veulent que l’Ukraine capitule en rase campagne. Car le cessez-le-feu ne signifierait qu’une chose : la préparation d’une nouvelle offensive à terme pour assujettir l’ensemble de l’Ukraine aux visées expansionnistes de la Russie. Ce que veulent Trump et Poutine c’est un nouveau partage du monde, une nouvelle répartition des empires, où l’Ukraine comme la Géorgie et la Moldavie mais peut être aussi les Pays Baltes seraient, soit annexés soit « finlandisés ». Cela rappelle Munich en 1938, ce lâche soulagement où les français et les anglais abandonnèrent à Hitler les Sudètes et de fait la Tchécoslovaquie. Ils perdirent et l’honneur et la paix. Car Poutine continuera son rêve de reconstitution de l’empire tsariste. Ceux qui prônent le pacifisme quel qu’en soit le prix devront payer les dividendes d’une guerre encore plus dévastatrice dans quelques mois ou quelques années. Notre position est claire : de l’Ukraine à la Palestine, du Kurdistan au Sahara Occidental, nous soutenons le droit à l’autodétermination des peuples, à leur droit de décider librement et sans contraintes de leur destin. La lutte contre le colonialisme et l’impérialisme ne se divise pas.  

Dans ce contexte les élections allemandes montrent que la fragmentation des forces politiques en Europe s’accentue. A l’image de la France, la montée irrésistible de l’extrême droite s’affirme. 21 % pour l’AFD, le parti néo nazi et 4,99 % pour le parti rouge brun de l’Alliance Sahra Wagenknecht. Victoire relative de la droite démocrate chrétien, baisse historique du SPD et recul des Verts. Progression sensible de la gauche radicale de Die Linke qui devient la première force politique dans la jeunesse. La remontée de Die Linke s’est faite non seulement dans le sursaut antifasciste anti-Musk de la jeunesse mais aussi par une importante scission des Jeunes Verts allemands qui ont refusé le néo centrisme des dirigeants de Grünen et ont participé à la campagne de Die Linke.  L’ensemble de la direction des jeunes Verts allemands, écœurés par le suivisme écolo-libéral, atlantiste et super-austéritaire de leur parti au sein de la coalition tripartite (SPD/Verts/Libéraux), a décidé d’en claquer la porte en octobre dernier.  Ce qui a fait surgir, au sein des Grünen, la crise la plus importante de la dernière décennie.

De ces deux événements que pouvons-nous tirer comme leçons ? 

1) Que la recette consistant à faire campagne pour la paix des cimetières en Ukraine et la capitulation du peuple ukrainien, agrémentée du recul de nos valeurs sur l’immigration et d’un Frexit à la française ou à l’allemande, doit être combattue fermement. Nous sommes pour une Confédération Démocratique des Peuples d’Europe qui ne repose plus sur les États nations mais permette à tous les peuples, des Corses aux Catalans, des Écossais aux Bretons, des Basques aux Roms, de pouvoir décider de leur destin. De même, nous sommes pour une paix juste et durable pour l’Ukraine, ce qui nécessite des garanties à long terme pour le peuple ukrainien, y compris en termes militaires. L’invasion russe et le retour de la guerre sur le sol européen ont rappelé la centralité des questions de défense, après des années d’indifférence. Des dizaines de milliards sont déversés chaque année sans que la défense ne fasse l’objet d’un débat public. Ce n’est pas parce que la responsabilité relative à la sécurité – telle qu’elle a été définie au 20ème siècle après les accords de Yalta – incombe aux forces militaires, paramilitaires et policières (ex « gardiens de la paix ») que la société civile ne doit pas s’impliquer à l’avenir.`

2) Que la voix du souverainisme national est une impasse, tout comme celle de la soumission au néolibéralisme et au capitalisme, qu’il soit repeint en vert ou rose. La seule souveraineté que nous reconnaissons, c’est la souveraineté populaire écologique, celle inventée par les paysans de la Via Campesina quand ils ont lancé le mot d’ordre de souveraineté alimentaire, que nous pouvons élargir aujourd’hui à la souveraineté énergétique, climatique, à la biodiversité, à la santé ou à la culture. Oui, les peuples du monde doivent reconquérir leur souveraineté face au capitalisme extractiviste qui expulse les habitants de leur terre pour extraire le pétrole, le charbon, les terres rares pour la Big tech. Système qui expulse comme en 2008 les habitants de leurs logements en raison du crash économique, qui expulse les ouvriers de leur travail en délocalisant. Mais cette souveraineté est écologique et transnationale. Elle ne peut être liée à la nation. Elle se base sur un projet alliant la Terre et les communs, le refus de la marchandisation de l’eau, de l’air, de la Terre, de la culture, de la santé et de l’éducation. 

Elle se base sur la convivialité et l’adelphité. Nous voulons l’alliance des tours et des bourgs, des « beaufs et des barbares » mais pas sous la version tricolore de l’État-nation. Nous la voulons sous le drapeau vert, jaune, rouge, l’alliance entre le vert de l’écologie populaire, le jaune du pouvoir populaire, le rouge de l’autogestion et de la Commune. Pour le dire autrement cette alliance ce n’est pas autour de Sardou et des chants religieux qu’elle doit se faire mais autour de Bob Marley et des Béruriers Noirs, entre la créolisation du monde et un antifascisme populaire qui lutte pour la défense des classes populaires et leur sécurité sociale, économique et écologique. 

3) Qu’il faut nous battre contre tous les campismes qu’ils soient pro-russe ou pro-américain. Le campisme est cette tendance à réduire les conflits internationaux à un affrontement entre blocs impérialistes, poussant certainEs à soutenir un État ou un régime au nom de l’opposition à un autre. Mais être internationaliste, ce n’est pas se ranger derrière un camp constitué par un État, la Russie, la Chine, l’Iran, la Turquie ou les USA. C’est au contraire défendre les luttes des peuples contre toutes les formes de dominations. La lutte contre l’impérialisme multipolaire et pour un internationalisme intransigeant, de la Palestine à l’Ukraine, ne se divise pas. Être contre le campisme c’est être aussi contre toute militarisation de la société, telle que Macron a voulu l’imposer à la jeunesse avec le SNU (Service National Universel). Nous sommes dans une situation où les démocraties sont devenues manifestement militaristes. Le secteur militaire devient de plus en plus civil et la société civile se militarise. Il s’ensuit que la société devient de plus en plus semblable à l’armée – de plus en plus verticale, non démocratique et prête à être dirigée par un chef puissant – un peu comme une armée. Le militarisme sonne le glas de la démocratie et de la vision d’une bonne société en paix avec elle-même et avec les autres. Nous sommes contre la militarisation des esprits, contre la militarisation de l’énergie où le nucléaire civil et militaire devient la panacée, contre la militarisation des flux migratoires, où l’étranger devient l’ennemi.

De l’Ukraine à l’Allemagne, en passant par le Groenland, l’Europe n’est pas à vendre, ni à Trump ni à Poutine.