De la mort de Rémi Fraisse à la COP 16 sur la biodiversité, le combat pour la défense du vivant !

Face au saccage, la lutte – face à la lutte, la répression.

Il y a 10 ans, Rémi Fraisse, militant écologiste et botaniste de 21 ans, était tué par l’explosion d’une grenade offensive au niveau de la nuque, tirée par un officier de gendarmerie à Lisle-sur-Tarn, lors d’une manifestation contre le projet de barrage de Sivens. Déjà les méga-bassines étaient au centre de la contestation. Déjà Rémi prenait part à la lutte contre un barrage qui aurait détruit une zone humide. Déjà une ZAD, surnommée la « Notre-Dame-des-Landes du Tarn », se construisait. Pour Valls et Cazeneuve, Premier Ministre et ministre de l’Intérieur, cette mobilisation est intolérable. Dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, ces criminels par procuration donnent l’ordre de s’attaquer par tous les moyens disponibles à la manifestation en cours. Plus de 700 grenades en tout genre, dont des grenades offensives et des tirs de LBD sont recensés. Cet acharnement insensé provoque la mort de Rémi Fraisse.

En 2023 à Sainte-Soline, c’est encore une grenade qui laisse Serge deux mois entre la vie et la mort. Depuis 10 ans, les ZAD ont permis d’engranger des victoires, le mouvement écologiste, notamment grâce aux Soulèvements de la Terre, a gagné en puissance et a tissé des alliances et fait grandir le rapport de force avec l’agro-industrie et la FNSEA.

Mais cette lutte est transnationale: la France n’est pas la seule à connaitre la répression des militantEs écologistes et des assassinats de défenseurs de l’environnement. Ainsi, depuis 2012, date à laquelle Global Witness a commencé à documenter ces cas, 461 ColombiennEs ont perdu la vie. L’Amérique latine est de loin la région la plus meurtrière : sur les 196 cas documentés en 2023 dans le monde, 85 % se trouvaient dans la région, et la Colombie a connu 79 meurtres en 2023.

Une dégradation continue de la biodiversité sauvage et domestique depuis des décennies.

La Colombie, justement, organise la 16ᵉ conférence internationale de la Convention sur la diversité biologique à Cali, du 21 octobre au 1ᵉʳ novembre 2024. Cette COP16 va être moins médiatisé que la COP29 sur le climat qui se déroulera en Azerbaïdjan à Bakou, capitale pétrolière, en décembre, après la COP28 organisée aux Émirats Arabes Unis. Pourtant la situation est aussi grave sur ce plan. Depuis cinquante ans, une régression nous rapproche dangereusement de points de bascule écologiques. Alors que les reculs en matière de biodiversité se multiplient – coupes budgétaires pour l’écologie en France, report du règlement sur la déforestation importée en Europe –, le rapport « Planète vivante » du WWF, dévoilé jeudi 10 octobre révèle qu’entre 1970 et 2020, la baisse moyenne des populations de vertébrés sauvages terrestres, marins et d’eau douce suivies par l’ONG a atteint 73 %. Autrement dit, il y a de moins en moins d’animaux. La première cause de ces déclins est le changement d’usage des sols. Il faut de la place pour nourrir la viande qui nourrit les humains, place que l’on prend sur la forêt. Viennent ensuite la surexploitation des ressources (forêt, pêche), le changement climatique, les pollutions et notamment celles liées aux pesticides, les espèces invasives et les maladies. Face à cette sixième extinction des espèces en cours, seules 8,35% des mers et 17,5% des terres sont actuellement protégées malgré l’engagement formel des précédentes COP à en préserver 30 %. Pourtant, la biodiversité est notre alliée contre le changement climatique. Elle absorbe et capture de grandes quantités de carbone et autres gaz à effet de serre. Les forêts, par exemple, absorbent un tiers du CO2 produit par la combustion d’énergies fossiles chaque année. Les savanes et prairies, de leur côté, stockent un cinquième de tout le carbone contenu dans la végétation et le sol. Sans oublier l’océan qui représente le plus grand stock de carbone du monde.

La biodiversié domestique a elle aussi chuté depuis un siècle. Sur 6.000 espèces végétales cultivées à des fins alimentaires, neuf d’entre elles représentent 66 % de la production agricole totale. En 2010, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) estimait que 75% de la diversité des cultures avait été perdue entre 1900 et 2000, menaçant ainsi la sécurité alimentaire globale. Les filières agro-industrielles érodent la biodiversité. En France, on a observé pour le cas du blé ou du maïs mis en culture, un remplacement des variétés paysannes dites “populations” présentant une certaine diversité , par des variétés modernes beaucoup plus homogènes composées de clones, des hybrides, sans aucune diversité génétique comme l’explique le réseau Semences paysanne. En préservant la biodiversité, nous nous protégeons nous-mêmes ! Les paysannEs ou les peuples autochtones possèdent ces savoir-faire.

Des solutions institutionnelles illusoires et spéculatives.

Mais comme toujours les ultra-libéraux ont leur solution magique : la compensation. Puisque l’économie capitaliste ravage le vivant sur Terre, il suffirait d’intégrer le vivant dans l’économie capitaliste pour arrêter le massacre. La tentation de financiariser la nature sera l’enjeu principal de cette COP16. Les « crédits biodiversité » devraient notamment occuper les discussions. Ceux-ci consisteraient à évaluer le gain économique que représenterait la préservation ou la restauration de tel ou tel écosystème. Les actions vertueuses en faveur de la protection de la biodiversité auraient ainsi une valeur monétaire, convertible en crédits que pourraient générer ou s’échanger les acteurs sur le marché. Un tel mécanisme fait l’objet d’un travail de lobbying intensif depuis quelques années, poussé notamment par la France, à l’initiative d’Emmanuel Macron. Avec le Royaume-Uni, la France a lancé en 2023 l’International Advisory Panel on Biodiversity Credits (IAPB), un groupe promouvant la mise en place d’une « initiative mondiale pour structurer les marchés des crédits biodiversité au service des peuples et de la planète (sic !) ». À l’échelle européenne, Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, a elle-même vanté en septembre les intérêts potentiels des « crédits nature ».

Mais pour les écologistes de libération, les paysages naturels ne doivent pas être mesurés en fonction d’une valeur marchande. 239 associations écologistes ont refusé cette option en signant début octobre une déclaration commune condamnant les dangers d’un tel mécanisme de marché et appelant les gouvernements à y renoncer. Pour les mouvements écologistes, il s’agit de « donner la priorité aux changements transformationnels en s’attaquant aux causes sous-jacentes de la perte de biodiversité, notamment en promouvant une réglementation plus stricte des activités nuisibles réalisées par les entreprises ». On connait cette arnaque. Elle s’est déjà produite avec les crédits carbone. Pensé sur le même principe que les crédits biodiversité mais appliqué aux émissions de gaz à effet de serre, le marché des crédits carbone est régulièrement entaché de scandales de fraudes ; et dans tous les cas, il génère une spéculation et un accaparement des terres, toujours au détriment des populations autochtones.

Refuser de marchandiser la nature c’était le combat de Rémi Fraisse. C’est toujours le nôtre. Nous ne défendons pas la Nature. Nous sommes la Nature qui se défend !