Un combat culturel

La loi climat, qui va couronner l’oeuvre écologiste de ce gouvernement, vient en débat au Parlement. Il fallait bien répondre un jour aux Gilets jaunes et à la jeunesse, inquiète pour son avenir sur une planète dévastée.

Avec l’installation en octobre 2019 de la Convention citoyenne pour le climat (CCC) sous l’égide du Conseil Economique Social et Environnemental (CESE) et avec la promesse du Président de la République de mettre en œuvre les propositions issues de son travail, les choses donnaient l’apparence d’être bien parties. Mais, comme c’était prévisible, après le passage à la moulinette des services de l’État et du gouvernement, la montagne accouche d’une souris, au grand dam des membres de la Convention, furieux d’avoir été floué.es. Au lendemain de la condamnation de la France par le Tribunal administratif de Paris pour « inaction climatique », le coup est dur !

La situation est pourtant dramatique, les signes tangibles du changement climatique se multiplient dans le monde, incendies monstres, inondations meurtrières, déforestation massive – au point que des scientifiques considèrent qu’aujourd’hui l’Amazonie émet plus de gaz carbonique qu’elle n’en absorbe – extinction accélérée des espèces…et puis cette zoonose de la covid.

Alors que le confinement entraînait dans de nombreuses activités l’arrêt du travail et révélait au grand jour que les activités indispensables au fonctionnement de la société étaient souvent les moins considérées et le plus souvent exercées par des femmes, des appels ont été lancés pour profiter de ce moment pour réfléchir. Ils disaient : « nous ne voulons pas reprendre le travail pour revenir à la société d’avant », c’est le moment de réfléchir à la société que nous voulons, de reprendre la main sur notre propre vie, sur notre temps. S’interroger sur ce à quoi nous tenons, sur nos désirs : en quelque sorte un nouveau mai 1968.

Et de regarder les innovations les innovations sociales, le foisonnement de réalisations alternatives, autogérées et libérées du marché, de la concurrence, la montée des valeurs de coopération, les débats sur le municipalisme libertaire, sur les « communs », un nouveau regard sur la nature et le vivant, préfigurant un avenir possible.

Penser, enfin ! Fermer les oreilles au message du gouvernement : consommez davantage ! C’est le moteur de l’économie, cela passe avant tout. Mais la culture, on peut s’en passer, dans une société du « métro, boulot, dodo » ; bien plus, cela peut même être dangereux. Les nazis brûlaient les livres, chez nous, pays démocratique et lumière du monde, on ferme les librairies, quelle comparaison terrible !

En effet, la culture, nous en avons bien besoin pour nous libérer de la domination de la marchandise, des valeurs du capital. La culture émancipe, elle est aussi indispensable que l’air. Et arrêtons la publicité, cette arme de destruction massive des cerveaux !

La lutte contre le changement climatique ne se réduit pas à une liste de mesures, car c’est un changement de société, une nouvelle vision du monde. C’est pourquoi elle est aussi un combat culturel contre le capitalisme industriel et l’idéologie dominante, celle de la bourgeoisie et « de son monde ».

Changer de cap

N’attendons pas ce changement de cap du gouvernement, qui défend les intérêts de la finance. Il ne peut être que le fait du peuple.

– Arracher l’économie à la loi du profit, produire pour satisfaire les besoins. Il conviendra ainsi de décider, collectivement, quelles activités il faut garder, développer, relocaliser, et celles qu’il faut arrêter, car superflues ou même néfastes. Faire des salariés, dont les salaires seront garantis, des acteurs de cette transformation. Une planification décentralisée doit mettre les habitant.es au coeur des décisions et ouvre inévitablement la question du pouvoir dans les entreprises et de l’autogestion généralisée.

 Contre la mondialisation libérale et la métropolisation, relocaliser et réduire les distances. Il faut se retirer des traités qui, tels le CETA, accentuent ces échanges et, plus encore, tirent vers le bas les normes sociales et environnementales. Pour les voyageurs, il faut réduire drastiquement le transport aérien quasi exempté de taxes. Il faut aussi réduire les déplacements dus à la métropolisation et à l’étalement urbain, qui outre les émissions de CO², détruisent des terres agricoles et des espaces naturels. Privilégier les modes de déplacements actifs, et les transports en commun, en allant vers leur gratuité, et bannir de nouvelles autoroutes.

– contre l’extractivisme, faire de l’énergie un « commun », géré avec les habitant.esà partir des territoires, permettant de réduire les consommations et de faire disparaître la précarité énergétique, par la gratuité d’une consommation de base par habitant. Réhabiliter les constructions et les logements, dont beaucoup sont des passoires thermiques. Réduire l’usage de la voiture individuelle, les réponses techniques – véhicule électrique, à hydrogène – sont des leurres. Développer les énergies renouvelables, sortir du nucléaire.

– changer le modèle d’agriculture industrielle qui s’est mis en place depuis les années 60 et revenir à une agriculture paysanne, nourricière et de proximité, préservant les sols et les milieux naturels, respectueuse du bien-être animal

– contre l’actuelle centralisation, renforcer le pouvoir politique des territoires, la commune est le niveau de base de l’élaboration d’une planification s’iscrivant dans les bio-régions, recherchant une symbiose entre les sociétés humaines et le milieu naturel.

– faire des services publics des outils majeurs de la lutte contre le changement climatique. Avec la mondialisation libérale et l’appui des Etats, leur mission initiale a été dévoyée, avec la mise en concurrence, la privatisation partielle ou totale, le recours aux délégations de service public. La rentabilité financière est devenue l’objectif. La question est posée de la socialisation de ces services afin de les rendre au public, les usagers, qui doivent, avec les salariées et les élus locaux, participer aux décisions sur leurs objectifs et leur gestion.

PEPS, le 24 mars 2021