L’Edito de PEPS  Corsica : Ghjustizia è Verità

Incarcéré à la prison d’Arles, Yvan Colonna, victime d’une agression sauvage par un autre détenu, est toujours dans le coma. Depuis, le peuple corse s’est soulevé. Plus de 10 000 personnes ont manifesté à Bastia. La jeunesse corse a affronté avec détermination la police et affirmé ses revendications à commencer par le rapprochement des prisonniers, la reconnaissance du peuple corse et l’extension des pouvoirs de la Collectivité corse. Mais cette mobilisation sans précédent depuis des décennies a des racines beaucoup plus larges : la faiblesse des salaires, la spéculation immobilière, le chômage, en particulier des jeunes femmes, le mépris des revendications sociales, démocratiques et culturelles du peuple corse.

Voyant la situation lui échapper, l’État a pris la décision de lever le statut de DPS d’Alain Ferrandi, Pierre Alessandri et Yvan Colonna. Cette décision a été annoncée, d’abord pour Yvan Colonna cloué sur son lit d’hôpital, puis pour les deux autres condamnés de l’affaire Erignac. Mais elle a été prise bien trop tard. La Corse ne peut se contenter de ces demi-mesures. En tant que Détenu Particulièrement Signalé (DPS), Yvan Colonna à qui la justice avait refusé le rapprochement au détriment du droit devait bénéficier d’une surveillance accrue du personnel carcéral. Le ministère de la Justice, responsable de l’administration pénitentiaire a failli. L’État et le Gouvernement portent une responsabilité dans l’agression dont a été victime Yvan Colonna. C’est pourquoi il faut une enquête qui fasse toute la lumière sur cette tentative d’assassinat contre un prisonnier aussi contrôlé, pour pointer les responsabilités et prendre les mesures nécessaires envers les coupables.

La révolte corse n’est pas seulement une colère légitime face à l’agression contre Yvan Colonna. C’est le refus obstiné de l’État d’aller vers un nouveau statut de la Corse qui est sanctionné et cette colère ne sera pas calmée par le simple fait de déclarations sans lendemain. Un dialogue avec l’État aurait dû découler des résultats successifs des élections territoriales qui ont apporté un soutien croissant aux idées nationalistes, jusqu’à la majorité absolue de juin 2021. Macron a refusé obstinément depuis 5 ans ce dialogue. Il a maintenu le Préfet Lelarge qui n’a cessé de provoquer les élus et le peuple corse durant huit mois. A l’Assemblée nationale les macronistes ont rejeté le projet de loi Molac sur l’enseignement par immersion et la loi Acquaviva sur la lutte contre la spéculation foncière.

Aujourd’hui, une situation politique nouvelle s’est imposée qui appelle à une action d’urgence. Des mesures claires doivent être rapidement prises. A plus long terme, c’est la question de l’organisation de l’État français et de l’Europe qui est en cause. La France a été le plus loin soumettant à Paris l’ensemble des provinces, écrasant les langues, les cultures, les identités. Pour les États-nations, les frontières délimitent l’espace dans lequel s’exerce leur souveraineté. À l’intérieur de celles-ci, le développement du nationalisme s’est souvent fait à travers l’imposition d’une langue et d’une culture uniques, et la négation souvent forcée des différentes identités présentes au sein de cet espace. Nous considérons qu’il faut en finir avec ce centralisme, afin que les Corses puissent pouvoir choisir librement leur destin. Le droit à l’auto-détermination n’est pas une page refermée de l’histoire coloniale. Il est un droit fondamental reconnu par l’ONU pour tous les peuples. Comme pour la Catalogne et l’Ecosse, la Corse ou le Pays basque doivent être reconnus comme des peuples et des nations à part entière dans le cadre d’une Confédération Démocratique des Peuples Européens.

PEPS adresse ses pensées à la famille d’Yvan Colonna et exprime sa solidarité avec les prisonniers politiques. PEPS renouvelle son soutien à la mobilisation anticoloniale déclenchée par la tentative d’assassinat contre Yvan Colonna. Nous exigeons l’arrêt immédiat de la répression, la libération de tous les prisonniers politiques corses, la reconnaissance du bilinguisme et le droit à l’autodétermination et à la souveraineté nationale du peuple corse.

PEPS, le 18 mars 2021