L’Edito de PEPS : Pour une « Rêve Générale  » contre la réforme des retraites et son monde

Le 7 mars et après, le mouvement contre la réforme des retraites connaitra une nouvelle étape : celle du blocage du pays. Ce mouvement puissant, qui traverse le pays depuis le 19 janvier, peut il gagner ? C’est la question qui traverse les manifestations et les AG.

Macron est inflexible, arc-bouté sur sa seule volonté politique et les institutions qui le protègent jusqu’à 2027. Il a fait de cette contre-réforme l’alpha et l’oméga de son quinquennat et le pilier de sa nouvelle coalition de droite avec les LR.

Du côté du mouvement social l’intersyndicale, dirigée de fait par la CFDT et Laurent Berger, a réussi à mettre dans la rue à chaque fois plus d’1 million de personnes dans une ambiance pacifique louée par les médias meanstream. Cette unité syndicale, si elle est en soi une bonne chose et une condition nécessaire, est loin d’être suffisante.

Dans l’histoire récente, avec l’union, le mouvement social a perdu en 2010 et a gagné en 1995 contre la CFDT, preuve s’il en est que la force du mouvement réside d’abord et avant tout dans sa dynamique sociale et son effet de déstabilisation politique. Même si nous constatons que l’entrée dans l’action de la CFDT permet à des secteurs entiers du privé d’être présents et que ce syndicat, quelles que soient ses orientations sociales-démocrates, est un véritable syndicat de masse, nous ne nous faisons pas d’illusions. Quand le vote définitif de la réforme aura eu lieu, ses dirigeants appelleront à la reprise du travail et à la fin du mouvement en échange de quelques concessions dans le prochain texte sur la nouvelle loi travail que concocte le gouvernement.

La déstabilisation politique du Pouvoir est la seule arme avec laquelle nous pouvons l’emporter. C’est la rue qui peut imposer cet affaiblissement politique qui permettra aux patrons de dire à Macron : « Il faut que tu jettes l’éponge ! « 

C’est pourquoi, nous considérons à PEPS, que plusieurs autres conditions doivent être réunies pour construire le rapport de force et faire plier Macron.

1° Le blocage des flux de l’économie

La généralisation des grèves est évidemment un facteur essentiel. Mais, nombre de salarié-e-s parce qu’ils et elles travaillent dans des TPME ou sont asphyxié.e.s par l’inflation, ne pourront pas se mettre en grève. Il faut donc faire porter l’effort des caisses de grève et de la solidarité dans les secteurs stratégiques de la circulation des marchandises, de la logistique, des transports et de l’énergie. Si ce mouvement n’est pas une grève par procuration, il faut organiser la solidarité pour qu’il puisse durer dans les secteurs qui bloquent l’économie.

2° L’élargissement du front de lutte

Pour le moment, hormis les facs et quelques grands lycées des métropoles, la jeunesse n’est pas entrée dans la lutte. Les lycéens professionnels des quartiers populaires sont absents. Le Pouvoir a opportunément enlevé les mesures qui les affectaient directement dans sa réforme des lycées pro et pour eux la retraite est un horizon inaccessible.

C’est donc à partir d’autres questions que la jeunesse scolarisée et populaire se mettra en mouvement, comme celles des discriminations, des violences policières ou de la qualification et des débouchés au travail, de la militarisation de la jeunesse par le SNU …

L’élargissement concerne aussi les femmes et le 8 mars, qui vont jouer un rôle essentiel dans la mobilisation. La séquence qui s’ouvre le 7 mars par le blocage et qui se poursuivra le 8 et la grève féministe, par la mobilisation de la jeunesse le 9 mars et le 10 mars par la grève mondiale pour le climat, est donc décisive pour l’élargissement social et politique du mouvement.

Car la réforme des retraites n’est que l’arbre qui cache la forêt de la politique macroniste.

Nous haïssons toute la politique de Macron, ce qui fait son monde. Celui des Arnault, Bolloré, Bouygues et les autres. Macron n’a eu de cesse de faire payer aux classes populaires les crises économiques, sociales, écologiques du capitalisme.

Le seul ruissellement que nous avons vu ce sont les profits du CAC 40. La baisse des APL, les réformes criminelles de l’assurance chômage, la relance forcenée du nucléaire, la suppression de l’ISF, le détricotage du Code du travail, la fin des CHSCT, les mutilés et blessés des Gilets Jaunes, l’impunité policière… : jamais en aussi peu d’années, un gouvernement de droite n’aura été aussi loin.

Maintenant, ça suffit. Il est plus que temps de régler les comptes !

3° La combinaison des formes de luttes, désobéissance civile et l’affrontement direct avec l’État.

Déjà, les électriciens, en ciblant les permanences des députés macronistes, enrétablissant l’électricité pour les abonnés ne pouvant plus payer ou en la garantissant auxhôpitaux, ont montré la voie. Les agents de la SNCF pourraient faire de même en garantissantla gratuité des transports. Nous devons de même installer des barrages de soutien devant lesraffineries en grève et défendre les lycéens et les étudiants face à la répression et à l’intervention de la police.

Ce qui est en question, c’est la gilet jaunisation du mouvement,son enracinement local et sa capacité d’initiative et de débordement du cadre des journéesd’action décidées d’en haut.

4°Mais la clef de la victoire c’est la démocratie interne du mouvement social.

Depuis le 19 janvier ce sont les directives de l’intersyndicale qui ont rythmées le mouvement. Il y a peu d’Assemblées Générales dans les entreprises ou d’assemblées populaires locales pour décider de l’action là où on vit et où l’on travaille. Or reprendre la parole, confronter les points de vue, diversifier les formes de luttes c’est construire un rapport de force par le bas.

C’est ce qui fait peur aux puissants. C’est pourquoi, nous en appelons non à la grève générale comme incantation, mais à un « rêve générale » où celles et ceux d’en bas, celles et ceux qui sont invisibilisés, se réapproprient leurs espaces de luttes et agissent en commun pas seulement contre la réforme des retraites mais pour la conquête et la maitrise de leur temps libéré. Sans autogestion des luttes, sans vraie démocratie, sans prise en main de leur avenir à la base par celles et ceux qui vont subir la réforme et qui doivent pouvoir décider de leurs formes d’engagement, de leur émancipation, il n’y aura pas de victoire.

Or, si l’espoir suscité par ce puissant mouvement laisse place à la résignation, le ressentiment qui en sortira préparera l’arrivée au pouvoir du Rassemblement National en 2027.

Prenons nos affaires en main !

Ne laissons à personne le soin de diriger nous-mêmes nos luttes.

Retrouvons l’esprit des Ronds- Points.

Grèves. . . blocages. . .

Macron dégage !

Rappel :

L’ Assemblée des Membres de PEPS, le 6 mars 2023