L’opération militaro policière Wuambushu: un crime d’état

1) L’opération militaro-policière Wuambushu s’inscrit dans le crime d’État perpétré contre le peuple comorien depuis 1995

Dans cet archipel, où auparavant la circulation était libre, un visa est obligatoire depuis la décision du Premier Ministre Balladur. Les contrôles et les expulsions se sont multipliés. Le bras de mer séparant Anjouan de Mayotte est devenu un cimetière pour des milliers de Comoriens ayant voulu fuir la misère sur des bateaux de fortune, les kwassa-kwassa, Près de 30 000 morts sont comptabilisés dans cet espace de 7O km qui sépare l’ile d’Anjouan de celle de Mayotte. C’est donc l’État français qui, en prenant cette décision criminelle, est le seul responsable des souffrances infligés au peuple comorien.

La mort par noyade de milliers de personnes entre Anjouan et Mayotte est la conséquence de l’érection progressive d’une frontière qui fracture des migrations ancestrales sans pouvoir les briser. Depuis près de vingt ans, ce sont de 15 000 à 20 000 personnes qui sont annuellement réembarquées à destination d’Anjouan. Si l’on rapporte ces chiffres à la population de l’île (environ 250 000 habitantEs en 2017), ces prétendues « reconduites administratives » s’apparentent à de véritables « transferts forcés de population », soit l’un des éléments permettant de caractériser un crime contre l’humanité (code pénal, art. 212-1-4).

Macron, comme d’habitude, y a ajouté l’ignoble avec sa petite phrase provocatrice. Un mois à peine après avoir été élu en 2017, il a déclaré: « Mais le kwassa-kwassa pêche peu : il amène du Comorien. C’est différent »

L’opération connue sous le nom de « Wuambushu » (signifiant   »reprise ») parachève ce crime d’État. À cette fin, escadrons de gendarmerie et de CRS, dont la compagnie 8 connue pour ses méthodes  violentes, ont été acheminés sur cette île, pour réprimer et expulser les sans-papiers

2). L’opération militaro-policière Wuambushu est le produit de l’histoire coloniale des cent cinquante dernières années.

La décolonisation de l’archipel des Comores, qui comprend les îles d’Anjouan, de Grande-Comores, de Mohéli et de Mayotte, a été empêchée par l’État colonial. Les Comoriens ont voté pour leur indépendance en 1974. Seule, l’île de Mayotte s’est opposée à cette perspective du fait de son antagonisme avec les îles de Grande-Comores et d’Anjouan, mais surtout par la volonté conjuguée de l’état-major de l’armée française, de l’extrême droite implantée dans ce territoire et des grandes familles mahoraises qui avaient des intérêts économiques à rester liées à l’État colonial. Cela s’est fait au détriment de la position de l’ONU sur les processus de décolonisation.

Dans le point six de sa déclaration du 14 décembre 1960, celle-ci précise : « Toute tentative visant à détruire partiellement ou totalement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un pays est incompatible avec les buts et les principes de la Charte des Nations unies ». .

C’est précisément ce que la France a fait. Et c’est pourquoi, depuis, elle est régulièrement mise en cause devant le Comité de décolonisation de l’ONU

Paris a maintenu ses intérêts stratégiques de  « grande puissance ». Elle a transformé Mayotte en une base arrière de la Françafrique qui soutient les régimes dictatoriaux et autoritaires en Afrique, l’échange inégal au niveau commercial, la dette odieuse, les politiques d’ajustement structurel menées par le FMI et la Banque Mondiale.

3). L’opération militaro-policière Wuambushu est une opération anti pauvres

Mayotte reste le département français le plus pauvre. Trois quarts des habitants vivent sous le seuil de pauvreté, – plus de cinq fois plus qu’en métropole -, et près de deux fois plus que dans les autres départements d’outre- mer. En 2018, selon l’Insee, 42 % de la population vivait avec moins de 160 euros par mois. En quelques décennies, Mayotte est passée d’une économie agraire d’autosubsistance à une économie de services et d’importation qui la place dans une situation d’extrême dépendance.

Avec la départementalisation octroyée en 2011, la mise aux normes françaises de la société́ locale profite d’abord à une minorité́ de la population en mesure d’occuper les nouveaux emplois qualifies, en l’occurrence des métropolitains « expatriés » et une fraction diplômée de la population mahoraise.  

Les bidonvilles se sont multipliés et l’actuelle opération est justifiée par la volonté du gouvernement de les détruire. Mais le Dal dénonce une opération de « décasage » (1) qui « confirme une nouvelle régression des politiques du logement des classes populaires », au  risque de « briser des familles » et les précipiter « dans la grande misère ». Il regrette que le gouvernement français « résorbe l’insalubrité non plus en relogeant les habita nts de quartiers informels, mais en les stigmatisant« .

4). L’opération militaro-policière Wuambushu de Darmanin encourage la guerre des pauvres contre les pauvres

Comme l’a dit un militant CGT de l’île, « Mayotte est un îlot de pauvreté dans un océan de misère « . Une partie des jeunes se réfugient dans l’économie de survie, le travail informel, d’autres forment des bandes menant des activités plus ou moins légales et parfois très violentes. Face à elles, des milices mahoraises se forment.

Macron, après tous ses successeurs, a maintenu une illusion en faisant croire aux Mahorais qu’ils pourraient accéder à l’égalité avec la départementalisation.

Darmanin, avec sa stratégie de la tension appuyée sur  l’armée qui a tiré à balles réelles, est en train d’encourager une dynamique de guerre civile. Le lundi 24 avril sur le plateau de Mayotte la 1ère,  Salime Mdéré, premier vice-président du département de Mayotte  a, par exemple,  été jusqu’à formuler un appel au meurtre en direct contre des jeunes immigrés : « Je refuse de les appeler des gamins, ce sont des délinquants, des terroristes, des voyous. A un moment donné il faut peut-être en tuer… Je pèse mes mots ». Cet appel au meurtre est la conséquence ultime de cette politique insensée de division du peuple comorien, d’un État français qui exploite les différences alors que le peuple comorien est un même peuple qui a la même langue, la même histoire, la même culture, la même religion

5). L’opération militaro-policière Wuambushu est une opération caractérisée par le racisme d’État.

Il y aurait désormais plusieurs catégories de migrants, distillés entre bons et mauvais migrants. Les « bons », que l’on pourrait accueillir – temporairement -,  ce seraient les réfugiés des guerres d’Ukraine, parfois du Moyen Orient, avec un privilège pour les réfugiés chrétiens d’Orient. Parmi les bons réfugiés, les « meilleurs » seraient les plus éduqués, ceux qui peuvent le mieux s’intégrer, ayant des diplômes et parlant anglais. Les moins bons seront les immigrés économiques, les « pires » étant les sans-papiers, particulièrement ceux issus des pays de l’Afrique subsaharienne, pourchassés par les gouvernements de droite et de gauche.

Une hiérarchie nauséabonde est en tain de s’installer. Or les migrations ne sont pas découpables en tranche. Les réfugiés climatiques seront des centaines de millions d’ici à 2050. Que fera-t-on, alors que ce problème n’est même pas à l’ordre du jour des COP?  L’incurie et l’improvisation de l’Etat, par manque de préparation et d’anticipation en matière d’accueil des réfugiés, aggravent la situation et renforcent le sentiment que l’Etat ne réagit qu’émotionnellement, privilégiant les derniers arrivés sans se préoccuper des autres.

Les hommes et les femmes qui émigrent ne sont mêmes pas considéréEs comme des marchandises. Les marchandises, elles, peuvent aller et venir dans le cadre des politiques  libre-échangistes. Cette politique d’exclusion installe, de fait, une politique d’apartheid dans notre pays, où chaque migrant est considéré comme un délinquant en puissance. Nous devons oser rouvrir le débat sur l’ouverture des frontières, la liberté de circulation et d’établissement. Si nous voulons rétablir les « principes républicains », il faut revenir à une politique d’ouverture des frontières fondée sur l’égalité des droits, l’hospitalité et la fraternité.

 6). PEPS exige

1. L’arrêt immédiat de l’opération militaro-policière Wuambushu et le retrait des forces militaires et policières de Mayotte

2. L’abolition de toute rétention administrative et la fermeture des centres de rétention

3. La régularisation de tous les sans papiers actuellement sur le territoire français avec carte de dix ans, l’arrêt des expulsions et la motivation individualisée de tous les refus de visas de long séjours; la dépénalisation du séjour irrégulier, la fin des tests Adn et des prises de mesures biométriques, à des fins de contrôle de l’immigration.

4. L‘accès des migrants aux mêmes droits fondamentaux que ceux des citoyens nationaux et la ratification par la France de la Convention internationale de décembre 1990 sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille

PEPS considère que seule la construction d’une Confédération démocratique des nations et des peuples de l’Océan Indien, comprenant les États d’Afrique du Sud, de Tanzanie, des Comores, de Madagascar et des Mascareignes, permettra aux peuples de l’Union des Comores et de Mayotte de retrouver une véritable indépendance politique, libérée de la Françafrique.

 1er mai 2023

PEPS

  • Expulser quelqu’un de son logement par la force et par voie extrajudiciaire.

Un décasage est une expédition punitive organisée par des Mahorais contre les constructions illégales habitées par des immigrants clandestins comoriens