Pour une écologie internationaliste et décoloniale

Panthéonisation de Missak et Mélinée Manouchian, génocide à Gaza, 2ème anniversaire de la guerre en Ukraine, crise à Mayotte. Cette semaine, ces évènements vont être commentés mais qu’ont-ils en commun ? Pour nous, écologistes de libération, c’est l’internationalisme qui les réunit.

Les 23 militants FTP MOI furent d’abord des immigrés, juifs, arméniens, italiens, espagnols, roumains, polonais, persécutés dans leur pays d’origine et stigmatisés dès leur arrivée en France, comme les sans-papiers aujourd’hui. Une partie d’entre eux combattit le fascisme dans la Guerre d’Espagne dans les brigades internationales, puis ils furent les premiers résistants armés à l’occupant nazi.

Paris dans l’entre-deux guerres était la capitale de l’internationalisme, où les colonisés par la France, les exilés poursuivis par les fascistes, les immigrés chassés par la pauvreté se réfugiaient mais aussi s’organisaient pour poursuivre le combat. Ho Chi Minh, Messali Hadj, Manouchian, et tant d’autres se formèrent au combat politique, créèrent leurs organisations, collaborèrent avec les militants français… C’est pourquoi ? si nous estimons que les Manouchian et leurs camarades ont une place au Panthéon, Macron est un hypocrite et une crapule quand « en même temps », il fait voter une loi raciste au Parlement, avec l’aide du RN, et proclame la fin du droit du sol à Mayotte, poursuivant l’œuvre coloniale de ses prédécesseurs.

Le combat internationaliste des FTP MOI continue.

Depuis le 7 octobre, des dizaines de milliers de manifestants défilent semaine après semaine dans les rues des villes françaises contre le colonialisme israélien, et la nouvelle Nakba (catastrophe) qu’il suscite, pour expulser les Palestiniens de leur Terre. Si la Cour Internationale de Justice a condamné Israël pour « risque génocidaire », le Président Lula accuse cet État de génocide. Il a raison. Nous approchons des 30.000 tués à Gaza et l’assaut contre Rafah risque de démultiplier ce chiffre. 

Le 24 février nous descendrons aussi dans la rue pour le deuxième anniversaire de la guerre d’agression menée par le colonialisme russe qui prétend annexer l’Ukraine où les descendants de Makhno défendent leur peuple contre les héritiers de Staline. 

Les deux combats, Palestine et Ukraine, sont liés malgré les apparences. Ce qui fonde notre internationalisme écologique a été bien résumé par Greta Grunberg: « Nous avons toujours été politiques parce que nous avons toujours été un mouvement pour la justice. Plaider en faveur de la justice climatique vient fondamentalement du souci des personnes et de leurs droits humains. Cela implique de s’exprimer lorsque des personnes souffrent, sont contraintes de fuir leur foyer ou sont tuées – quelle qu’en soit la cause. Cela procède de la même raison qui nous a amenés à organiser des grèves en solidarité avec des groupes marginalisés – ceux du Sáami, du Kurdistan, d’Ukraine et de nombreux autres endroits – et avec leurs luttes pour la justice contre l’impérialisme et l’oppression. Notre solidarité avec la Palestine est du même ordre, et nous refusons de laisser l’attention du public se détourner des horribles souffrances humaines auxquelles le peuple palestinien est actuellement confronté ».

Greta a raison. Les peuples et le vivant, nous les défendons.

Pour nous en effet, il n’y a pas un mais des impérialismes.

Cet impérialisme est multipolaire et fonctionne en liaison avec des firmes multinationales qui ont des intérêts croisés avec les Empires qui, comme le démontre Elon Musk, peuvent un jour soutenir Israël, le lendemain, la Russie de Poutine et le surlendemain Trump ou Biden. Qu’ils soient américains, russes, chinois ou français, nous ne défendons pas un camp quel qu’il soit, mais le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, à leur auto-détermination. Nous ne soutenons pas les États-nations ou les Empires, mais les peuples qui choisissent les voies de l’émancipation, de la décolonisation, face à tous les impérialismes. 

Comme l’écrit la militante écosocialiste et féministe Catherine Samary : « Le « campisme » qui choisit un ennemi principal et se tait sur les politiques réactionnaires de  » l’ennemi de mon ennemi » est une impasse ». Nous devons rejeter la logique d’un seul impérialisme – occidental – incarné par les Etats-Unis et l’OTAN -, et occultant l’impérialisme russe et les mensonges de l’autocrate réactionnaire Poutine soutenu par toutes les extrêmes-droites mondiales. La dénonciation des prétentions hégémonistes de l’impérialisme occidental n’implique pas le soutien des autocrates réactionnaires au pouvoir à la tête des BRICS. .

Mais si l’on conteste un « campisme anti-occidental » qui édulcore le rôle central du régime russe comme agresseur de l’Ukraine, nous ne devons évidemment pas pour autant tomber dans un « campisme anti-russe. »

De l’Ukraine à la Palestine, l’occupation est un crime. Pour l’Ukraine comme en Palestine, le droit à l’auto-détermination est un principe fondamental.

C’est pourquoi notre projet se fonde sur le confédéralisme démocratique qui doit unir par la coopération choisie les peuples à partir des Communes confédérées. L’impasse de la solution de deux États en Palestine ne peut être surmontée que dans le cadre d’une fédération israélo-palestinienne basée sur l’égalité des droits des Palestiniens israéliens ou réfugiés de 1948, des juifs, des druzes et de toutes les minorités dans le cadre plus large d’une Confédération Démocratique des Peuples du Moyen Orient.

C’est pourquoi notre internationalisme se fonde sur l’écologie décoloniale.

Les sociétés européennes modernes se sont développées et enrichies grâce à la mise en esclavage, la dépossession et l’exploitation des corps et des terres : un habiter colonial. Partout, nous devons rendre visibles les oppressions actuelles et historiques et tenter de construire un vivre ensemble qui en finisse avec les modes de relation coloniaux – l’exploitation des humains et non-humains, le racisme environnemental, l’échange inégal, les dettes écologique et financière, le patriarcat et la nature sauvage qui exclut les peuples indigènes et les assigne dans des réserves.

Nous ne sommes pas « dans la nature », nous sommes « la nature qui se défend » et qui est à tous. Enfin l’écologie internationaliste et décoloniale induit la liberté de circulation pour toutes et tous, qu’ils soient demandeurs d’asile, réfugiés climatiques, immigrés chassés par la misère provoqué par le colonialisme, le néocolonialisme et leurs instruments, le FMI et la Banque Mondiale.

Pour les écologistes, la seule patrie est la Terre.

Les conflits du XXIème siècle seront des conflits dans lesquels la dimension écologique sera omni-présente. Le climat, mère de toutes les batailles, ne peut être laissé entre les mains des dirigeant·e·s de la planète. Il doit être géré par la communauté terrestre c’est-à-dire par des acteurs qui ne peuvent pas être que des États.

L’ONU montre que l’entre-soi étatique, réduit le plus souvent au Conseil de sécurité et au droit de véto, encourage les guerres plus qu’elle ne les prévient. La dimension planétaire et internationale de la crise bio-climatique est évidente. La pollution n’a pas de frontières. La spoliation des terres par les multinationales industrielles et financières, la dette écologique des pays riches à l’égard des pays en développement sont des réalités lourdes de l’empreinte environnementale planétaire.

Nous portons une ambition solidaire internationale faite de coopérations et de luttes contestant l’égoïsme de la minorité qui impose son mode de vie.

C’est l’appropriation des terres, de l’eau et maintenant des gisements de gaz naturel, qui motivent l’expansion de l’État d’Israël sur toute la Palestine. C’est le nucléaire, la destruction des barrages, la lutte pour le contrôle des ressources alimentaires qui constituent l’écologie de guerre en Ukraine. C’est, partout dans le monde, la lutte des peuples indigènes, des villageois et des paysans contre l’extractivisme, notamment des minerais. C’est la sécheresse qui a été au fondement de la révolte contre le boucher Assad en Syrie.

Face à cette écologie de guerre qui se met en place, nous devons relancer un mouvement international anti-guerre devenu moins actif ces dernières années, malgré les conflits au Yémen, au Congo, en Éthiopie, en Ukraine, en Palestine et ailleurs.

Les guerres en Ukraine et en Palestine ont des conséquences mondiales – elles provoquent une logique de nouvelles courses aux armements – qui rappelle la guerre froide. La montée en force des BRICS signe la fin d’une période historique de domination occidentale, tout en n’ayant rien en commun avec le mouvement des non-alignés des années 60. Les BRICS sont une coalition d’intérêts économiques et parfois politiques, souvent contradictoires. La Chine et l’Inde ne défendent pas les mêmes objectifs per exemple. Même si tous ne sont pas dirigés par des autocrates (l’Afrique du Sud et le Brésil, notamment), ils ne forment pas comme au moment de Bandoeng et de la politique du non-alignement une coalition idéologique fondée sur la décolonisation et l’indépendance. Ce que les BRICS rejettent de l’Occident ce n’est pas la politique dominatrice impérialiste mais le monopole occidental sur de tels rapports. Telle est la substance de ce nouveau « multilatéralisme » au nom duquel ils rejettent tout ce qui limite, dans le droit occidental les rapports de domination (sur les femmes, LGBT+ notamment) et ce qui reconnaît des libertés d’organisation et d’expression.

Nous sommes maintenant confrontés à un défi urgent : reconstruire des mouvements de solidarité internationale et de paix. Nous devons retrouver l’esprit de Manouchian perpétué par la tradition anticolonialiste durant la guerre d’Algérie, la lutte contre l’impérialisme durant les Guerres d’Indochine, l’altermondialisme à partir des Forums Sociaux Mondiaux.

Nous devons développer un mouvement « Pour une paix décoloniale » qui doit s’attaquer à la marchandisation des armes, à la militarisation de la vie civile, comme veut nous imposer Macron avec le SNU et l’uniforme à l’école. Il devra lutter aussi contre notre propre impérialisme lié à la Françafrique en pleine déconfiture et au colonialisme comme en Kanaky, en Polynésie, en Guyane ou à Mayotte.

De même faut-il concrètement s’engager dans une campagne pour la remise en cause du nucléaire – et dénoncer tous les chantages au nucléaire faits par Poutine.

Les écologistes ont toujours estimé qu’il fallait agir local et penser global. Il faut aussi maintenant agir global et penser local, c’est-à-dire être communaliste. PEPS, qui a activement participé à la Conférence internationale de la Jeunesse à l’initiative de nos camarades kurdes, considère que l’écologie politique doit rompre avec la vision européocentriste des Grünen allemands qui dirigent le Parti Vert européen et qui, de plus en plus, défendent le point de vue de l’Occident par exemple sur Israël. Notre rôle est de promouvoir le projet d’une société débarrassée de tous les impérialismes, de tous les colonialismes, un projet d’une Commune

Mondialisée, fondé sur le Confédéralisme démocratique des peuples.

Vive l’esprit de Manouchian et de ses camarades !

Soutien aux peuples palestiniens, ukrainiens, tibétains, kurdes et à tous les peuples du monde en lutte contre tous les impérialistes et tous les despotes !

Vive la solidarité internationale et l’écologie internationaliste et décoloniale !

Edito de PEPS confédération du 20 février 2024