LA SOBRIETE AU SERVICE DE L’ECOLOGIE DES RICHES OU DES PAUVRES ?

Par Thierry Brugvin, Sociologue à l’Université de FC à Besançon,

Laboratoire Logique de l’Agir Besançon et LIPHA Paris Est

Plan

LA SOBRIETE AU SERVICE DE L’ECOLOGIE

Qu’est-ce que la sobriété ?

Il faut distinguer plusieurs formes de sobriété

Il faut différencier la sobriété économique, de la décroissance.

LA CONSOMMATION DES RESSOURCES NON RENOUVELABLES ARRIVENT A SA FIN

L’épuisement futur des métaux et de l’énergie (USC)

Le pétrole devrait disparaître, dans environ 30 ans, le gaz, dans 50 ans et le charbon, dans 150 ans.

Au plan mondial, l’empreinte carbone par habitant est 2 à 3 fois trop forte pour être soutenable.

LES PLUS RICHES SONT PLUS RESPONSABLES DES EMPREINTES CARBONE ET ECOLOGIQUE

Il y a une corrélation entre le niveau de richesse et le niveau de l’empreinte carbone (en France).

Répartition géographique des émetteurs de CO2 dans le monde

EFFICIENCE, SOBRIETE OU ENERGIES RENOUVELABLES :

TROIS MOYENS POUR UNE EMPREINTE CARBONE SOUTENABLE

Le scénario de l’association Négawatt porte sur trois axes pour diminuer l’empreinte carbone.

La proportion des énergies renouvelables s’avère encore limitée et le restera sans doute.

Il y a bien une hiérarchie dans les solutions spécifiques, mais la solution globale consiste principalement dans la diminution de la consommation globale.

Le développement de la sobriété énergétique peut s’opérer par des taxes, des subventions ou des quotas.

QUELLE RELATION ENTRE LA SOBRIETE ET L’ECOLOGIE POPULAIRE ?

La satisfaction des besoins psychologiques essentiels est une des conditions du bien vivre.

La sobriété heureuse, supposent donc la satisfaction de ses besoins physiques, matériels et psychologiques.

La sobriété et la simplicité volontaire contre la simplicité subie

Les cultures populaires s’enracinent dans des pratiques concrètes

La sobriété : une révolution culturelle

Le président de la république a annoncé « un plan de sobriété énergétique », mais aussi économique. Lors de son interview du 14 juillet 2022, le président de la République a proposé de « rentrer collectivement dans une logique de sobriété » et de s’atteler à Le 24 août 2022, Emmanuel Macron n’a donc pas annoncé la décroissance, ni un effondrement. Cependant il a prédit un « grand basculement » « la fin de l’insouciance », « la fin de l’abondance, de l’énergie (en particulier du Gaz russe), « des liquidités », « des produits de technologie », « des matières premières ou de l’eau. Tout cela à cause des  « nombreuses crises qui menacent l’économie française, entre la guerre en Ukraine, la flambée de l’inflation qui en a été nourrie ou encore les tensions géopolitiques avec la Chine. Mais il vaut aussi et surtout pour l’énergie, au moment où les prix du gaz battent tous les records et où l’indisponibilité de certains réacteurs nucléaires contraint fortement la production d’EDF », la montée de l’inflation, les liquidités plus coûteuses, le réchauffement climatique « avec la multiplication des incendies et une sécheresse massive »…[1]  Cependant, la raison principale qui pousse le gouvernement vers la sobriété, c’est le fait que le gaz russe va manquer, plus que des objectifs écologiques.

Les politiques de sobriété renouvellent les questions écologiques et économiques qui étaient auparavant notamment structurées autour des questions de croissance ou de transition, de développement durable ou de décroissance, de croissance opposée à la décroissance, ou à la récession.

Il existe plusieurs définitions visions et dimensions de la sobriété. La sobriété et en particulier « la sobriété heureuse » s’avère une idée formulée en France par Pierre Rabhi. Il fut jusqu’à son décès en 2021, un des principaux leaders du mouvement de la décroissance, mais qui préfère dénommer sa démarche de « sobriété heureuse », car il trouvait cela plus constructif et moins provocateur, mais aussi moins politique. Or, « les Eglises, catholiques ou protestantes, utilisent depuis longtemps ce mot dans un sens plus large. Le concept auquel il renvoie n’est guère éloigné de celui de tempérance/modération que vantaient les philosophes grecs : la ἐγκράτεια (Enkrateia) ou la σωφροσύνη (sophrosúnê) désignaient le fait de rester « maître de soi », de s’autolimiter. Dans la littérature chrétienne, on croise souvent le mot « sobriété » que ce soit dans les traductions de Saint-Paul (« il faut être sage avec sobriété ») ou celles de Saint-Thomas d’Aquin (« La sobriété, ce n’est pas abstinence »). Le protestantisme en a fait un de ses concepts phares »[2].

La sobriété se révèle très proche de l’idée et de la démarche de la simplicité, en particulier de la simplicité volontaire. Tandis que la simplicité volontaire désigne des personnes ayant choisi de vivre volontairement avec peu de ressources, afin de se simplifier la vie et d’accroître leur bonheur de vie, une « vie bonne » grâce au détachement des besoins non essentiels. C’est « un courant social, un art de vivre ou une philosophie de vie qui privilégie la richesse intérieure par opposition l’accumulation matérielle manifestée par l’abondance de la consommation » [14].

Au plan psychologique individuel ou psychosociologique, la sobriété peut être en relation avec le « vivre ensemble sur les principes de simplicité, de solidarité, de frugalité » [4], du détachement, notamment dans le but du partage, de l’équité, ou de la préservation de la nature, des animaux, de l’écologie.

A l’origine, le terme de frugalité provient du mot fruit. Si on parle dans le monde européen de frugalité depuis deux millénaires c’est par opposition avec l’alimentation carnée des siècles antiques. La frugalité de la consommation relevait déjà d’une attitude ascétique. Car ils savaient que la consommation de viande suppose des ressources et donc une richesse plus importantes. La frugalité consistait donc à consommer notamment moins de viande, plus de fruits et légumes, pour se détacher de al dépendance à la richesse et à l’excès de biens matériels.

 De plus, la satisfaction des besoins essentiels physiques, matériels et psychologiques s’avère une des conditions du bien vivre. La simplicité volontaire vise à se simplifier la vie et d’accroître leur bonheur de vie, une « vie bonne » grâce au détachement des besoins non essentiels.

Ce n’est que dans les années 1990 que l’expression simplicité volontaire prendra vraiment son essor, en débutant par le Québec, notamment grâce à de nombreux ouvrages y faisant référence, tel celui de Richard Gregg (1885-1974). C’est un philosophe social et un disciple de Gandhi. Il est considéré comme un précurseur en occident de la simplicité volontaire et des théories de la non-violence. Il a cherché à propager la pensée de Gandhi aux États-Unis à travers un ouvrage, « la valeur de la simplicité volontaire » (1936)[3].

Par ailleurs, il faut distinguer plusieurs formes de sobriété :

– La sobriété heureuse, telle la simplicité volontaire, de la sobriété malheureuse, comme la misère.

– La sobriété individuelle, de la sobriété collective,

– La sobriété, la récession, et l’austérité ?

– La sobriété psychologique, sociale, économique et écologique :

            – La sobriété économique, consiste en particulier à moins consommer, produire et à recycler individuellement ou collectivement,

            – La sobriété écologique vise à diminuer l’impact sur l’environnement, à économiser les ressources issues de la nature, etc.

            – La sobriété sociale relève d’activités moins socialement démonstratives, permettant de diminuer la consommation ostentatoire des autres individus et classes sociales.

            – La sobriété psychologique consiste à apprendre à se détacher des besoins non essentielles. Elle est prioritairement individuelle, mais aussi collective, dans sa dimension psycho-sociale.

Il ne faut pas confondre la sobriété énergétique, une politique écologique globale, la croissance économique du PIB et la sobriété économique. Ainsi, on peut opérer une politique de sobriété énergétique sans ou avec d’autres mesures écologiques globales portant par exemple sur la biodiversité, la réduction des produits chimiques, des pesticides…La politique de sobriété énergétique peut se réaliser malgré une croissance du PIB, grâce à plus d’ efficience énergétique (moins de pertes). Mais aussi, par exemple grâce à une croissance du secteur de la santé, de l’éducation, de la culture, des loisirs non émetteurs de CO2… Donc sobriété n’est donc pas toujours synonyme de décroissance économique.La politique de sobriété énergétique peut s’opérer avec ou sans croissance de l’efficience énergétique et avec ou sans croissance des énergies renouvelables, comme le montre le « Scénario négawatt ». La sobriété énergétique n’est qu’une partie de la protection environnementale. Cette dernière suppose aussi une réduction des impacts sur la biodiversité, sur la pollution de la nature, sur la dégradation des sols, sur la protection espaces verts, des forêts…

La sobriété énergétique est fortement en relation avec sobriété numérique. Cette dernière consiste à limiter les usages numériques principalement pour limiter les émissions de CO2, mais aussi l’empreinte écologique lié à la production informatique. La sobriété numérique a été développée en France par l’association française «The Shift Project » initiée par Jancovici et d’autres associations.

 – La sobriété énergétique peut être faible (avec une croissance qui perdurent mais plus lente) ou une sobriété forte (donc qui peut être décroissante économiquement).

– La sobriété énergétique peut s’opposer ou compléter l’efficience énergétique.

– La sobriété peut être énergétique, ou économique, ou les deux.

Il faut différencier la sobriété économique, la récession et la décroissance économique. En effet, la décroissance signifie une croissance négative,  tandis que la sobriété peut signifier la même chose, mais aussi une croissance moins gourmande, moins forte. Dans une politique de sobriété, il s’avère donc toujours possible poursuivre une société de croissance économique du PIB.

La sobriété économique se différencie de la récession et de l’austérité.L’austérité néolibérale se révèle donc très proche d’une sobriété de droite. C’est-à-dire une sobriété capitaliste néo-libérale consistant à contraindre les plus pauvres à décroître, afin que les plus riches puissent continuer à croître plus longtemps. La sobriété néolibérale est volontaire, tandis que la récession est une sobriété involontaire. Cependant, une politique d’austérité néolibérale conduit à une sobriété volontaire au détriment des plus pauvres.Il y a donc une sobriété sociale et une sobriété libérale, mais l’austérité s’avère rarement sociale, sauf lorsqu’elle taxe prioritairement les plus riches. Dans ce cas il s’agit d’une austérité sociale, à l’inverse d’une austérité libérale.

 Récession  (donc involontaire)Sobriété (donc volontaire)
Néolibérale (Droite)Sobriété involontaire au détriment de quasi tous, accompagnée d’une politique d’austérité volontaireSobriété volontaire et libérale (au détriment des plus pauvres)
Prosociale (Gauche)Sobriété involontaire au détriment des plus riches prioritairementSobriété volontaire et prosociale (débutant par les plus riches)

Concernant l’écologie sociale, il nous faut donc bien différencier trois formes de politiques de sobriété:

–  Une politique écologique ciblées sur les plus les riches (s’appuyant sur les pratiques populaires),

– Une politique écologique et sociale ciblées sur les classes populaires (c’est-à-dire qui ne les pénalisent pas prioritairement),

– et à l’inverse une politique écologique antisociale (c’est-à-dire défavorable aux classes populaires).

Concernant les politiques de sobriété en relation avec l’écologie, ou les besoins essentiels ou la décroissance du PIB. Les partisans d’une politique égalitariste ou solidariste doivent donc éviter une économie à deux vitesses, avec en particulier plus de la sobriété pour les pauvres et plus de croissance pour les riches.

LA CONSOMMATION DES RESSOURCES NON RENOUVELABLES ARRIVENT A SA FIN

La majorité des ressources en minerais métalliques disparaissent. Un des métaux qui va s’épuiser dans les derniers, c’est le fer. Mais même celui-ci sera devraient être épuisées vers 2090, soit dans 70 ans en 2020, selon l’USGS[4]

En ce qui concerne les ressources d’énergie, le pétrole devrait disparaître, dans environ 30 ans, le gaz, dans 50 ans et le charbon, dans 150 ans. Au plan mondial, l’empreinte carbone par habitant est 2 à 3 fois trop forte pour être soutenable, selon l’AIE (l’agence internationale de l’énergie)[5]. En France, en 2022 l’empreinte en tonne équivalent carbone s’avère 6 fois trop importante pour être soutenable[6].

LES PLUS RICHES SONT LES PLUS RESPONSABLES

DES EMPREINTES CARBONE ET ECOLOGIQUE

Il y a une corrélation entre le niveau de richesse et le niveau de l’empreinte carbone (en France). La disparité de revenus entraîne une inégalité de l’empreinte écologique et carbone.

En France notamment :

–  les 20% plus riches ont une empreinte carbone 38% supérieure au 20% les plus pauvres,

– et 35% supérieure à la moyenne des français de 6,4 tonnes/personne[7].

Piketti a montré que les émissions de CO2 des individus se révèlent proportionnelle à leurs revenus :

– les 10% les plus riches dans le monde (en revenus calculés en parité de pouvoir d’achat (PPP)) sont responsables de 45% du total des émissions de CO2.

– Mais les 40 % du milieu sont responsables de 42% des émissions mondiales de CO2.

Ces classes intermédiaires du Nord et du Sud ont donc aussi leur part de responsabilité

– par rapport au 50% les plus pauvres, qui n’émettent que 13% de CO2.

EFFICIENCE, SOBRIETE ET ENERGIES RENOUVELABLES :

 TROIS MOYENS POUR UNE EMPREINTE CARBONE SOUTENABLE

Voici les actions individuelles ayant le plus d’impact sur la baisse des émissions de carbone, classées de la plus efficace à la moins efficace selon l’organisation Carbone 4 :

–  « Parmi les actions individuelles à plus fort impact, le passage d’un régime carné à un régime végétarien représente à lui seul une baisse d’environ 10 % de l’empreinte carbone totale d’un individu »[8].

– Vélo pour trajets courts : Remplacer les trajets voiture courte distance en milieu urbain par du vélo.

– Covoiturage sur tous trajets : Fixer le taux d’occupation de tous les trajets en voiture, courts et longs, à 2,2 personnes/voiture.»[9].

Wynes et Nicholas ont une analyse un peu différente. Ils estiment que « parmi 216 recommandations individuelles qu’ils ont recensées, la plupart ont une efficacité relativement faible. En particulier, les moyens les plus souvent cités (tels que recycler, utiliser les transports en commun, laver les vêtements à l’eau froide, ou utiliser des lampes basse-consommation), pris individuellement, n’ont qu’un effet modéré s’ils ne sont pas adoptés simultanément. C’est pourquoi, selon eux il y a quatre choix de vie ayant bien plus d’impact en matière d’émission carbone :

–  Abandonner sa voiture : l’économie annuelle est d’environ 2 400 kilogrammes de CO2 ;

– Renoncer au voyage aérien : un vol transatlantique aller-retour émet 1 600 kilogrammes de CO2

– Devenir végétarien : permet de diminuer ses émissions de 820 kilogrammes de (CO2) par an en moyenne, soit quatre fois plus qu’en recyclant autant que possible[10].

IL EXISTE UNE HIÉRARCHIE DANS LES SOLUTIONS ECOLOGIQUES SPÉCIFIQUES

La solution globale consiste principalement dans l’augmentation de la sobriété de la consommation globale. Or, on observe que la plupart du temps dans les politiques réformistes, cela ne figure pas comme la principale solution.

Le scénario de l’association Négawatt porte sur trois axes pour diminuer l’empreinte carbone. Il consiste à améliorer l’énergie renouvelable (un tiers), l’efficience (pour un tiers) et développer la sobriété (un tiers). « Dans le scénario Négawatt, la sobriété énergétique permet en 2050 de réduire de 28 % nos consommations d’énergie par rapport à 2015 »[11]. Cependant, compte tenu, que l’empreinte carbone d’un français s’avère 6 fois trop importante pour être soutenable[12], la réduction d’un tiers ne suffit pas à la rendre soutenable. Or, les énergies renouvelables ne représentent qu’environ 18 % des énergies primaires au plan mondial en 2020 et il donc il faudrait les multiplier par 6 x18% = un accroissement de 108%.

En effet, le scénario tendanciel, (celui qui suit la tendance actuelle) prévoit une très légère baisse de la consommation d’énergie finale d’ici 2050. Le gouvernement français considère qu’il faut diviser par 6 l’empreinte carbone de la France pour atteindre la neutralité carbone. Or, pour diviser par 6 l’empreinte carbone, il faut soit multiplier par 6 l’efficience, soit par 6 la sobriété, soit par 6 les énergies renouvelables. Or, en 38 ans (de 1990 et 2018), la France n’est parvenue qu’à une baisse de 18 % de ses émissions de CO2, alors qu’il faudrait atteindre une baisse de 600%.

Depuis plusieurs années, on relève une légère diminution progressive de la consommation d’énergie en France. La première raison, c’est que la croissance de l’énergie s’avère un peu plus faible que la croissance de l’efficience énergétique. Or, c’est rarement le cas dans les pays à forte croissance économique.  La seconde raison est que la France a exporté ses émissions de CO2, en important des produits supplémentaires de pays tel que la Chine.

La proportion des énergies renouvelables mondialement s’avère encore limitée et le restera sans doute.  Au plan mondial, la part des énergies renouvelables s’élève à 17,9 % de la consommation finale d’énergie. De plus, la croissance de la consommation mondiale d’énergie continue d’augmenter et la croissance des énergies fossiles est 1,75 fois plus rapide que celles des énergies renouvelables. [13]

L’efficience énergétique ne suffira pas à atteindre une empreinte carbone soutenable. La baisse des émissions de C02 de la France ne s’élève qu’à 18% en 38 ans. Or, l’objectif n’était déjà pas très ambitieux, car à présent, la baisse attendue s’élève à 600% des émissions de CO2, selon le ministère de l’environnement, puisque l’empreinte carbone s’avère 6 fois trop importante pour la France. Autant de dire que l’efficience est bien loin de suffire à atteindre les objectifs.

De plus il faut distinguer les faibles progrès des pays riches et le recul des pays en développement en matière d’émissions de CO2. Car ces derniers ont une croissance du PIB plus importantes que celles des pays industrialisés.

Ce sont principalement les actions collectives, avant les actions individuelles qui peuvent changer le climat. Les actions individuelles des français ne peuvent pas diminuer de plus de 25 % l’empreinte carbone. Les 75 % relèvent de l’action collective, tels que le développement des infrastructures routières, le développement des transports en commun, le développement de système énergétique moins énergivore, le développement des écotaxes…

Selon Dugast de Carbone 4 voila ce qu’il est « possible d’espérer en termes de baisse de l’empreinte carbone si un Français activait conjointement et systématiquement l’ensemble de ces actions, tous les jours de l’année. Il en ressort que la baisse serait de l’ordre de -25%. Si l’on considère par ailleurs que, en cas d’exhortation généralisée à l’action, tous les Français seront loin d’activer l’ensemble des leviers, ce que l’on peut attendre de mieux de la part de ces changements de comportement individuels serait plutôt de l’ordre d’une baisse de -5% à -10% de l’empreinte carbone moyenne »[14].

Par conséquent, si les actions collectives sont la clé des 3/4 de l’effort à mener, la sobriété collective s’avère aussi plus efficace que la sobriété individuelle. La sobriété figure parmi une des actions possibles pour préserver l’environnement à mettre en œuvre à côté, du développement de l’efficience, du développement des énergies renouvelables….

Néanmoins, la sobriété individuelle elle reste indispensable pour 25 % et permet de développer les prises de conscience individuelles et collectives nécessaires pour que les dirigeants politiques fassent passer de nouvelles lois en faveur de l’écologie qui soient suffisamment ambitieuses.

L’ECOLOGIE POPULAIRE EST UN EXEMPLE DE SOBRIETE HEUREUSE

Durant l’été 2022, le président de la république Emmanuel Macron a prôné une politique de la sobriété. Les classes populaires développent souvent des modes de vie fondés sur la « sobriété heureuse ». Elles sont ainsi des exemples pour les plus riches. Pour le sociologue Howard S. Becker « la culture est la somme des attendus partagés que les individus utilisent pour coordonner leurs activités » [5]. Ainsi, nous définirons la culture populaire comme la somme des attendus partagés c’est-à-dire des idées et des pratiques populaires que les individus appartenant ou non à la classe populaire utilisent pour coordonner leurs activités. Ces cultures populaires, les cultures des pauvres et les cultures traditionnelles ne devraient donc pas être considérées comme des sous cultures et être sujet à l’opprobre par les élites. Elles devraient plutôt être replacées au même rang que les cultures dominantes en étant respectées à leur juste valeur, c’est-à-dire comme des cultures différentes, mais de niveau égal, voire supérieur, sur certains points. La perspective n’est donc plus seulement relativiste, mais aussi égalitariste. Les classes disposant de capitaux culturels et économiques élevés, qui en prennent conscience, tels les bourgeois-bohèmes commencent à copier certains modes de vie des classes populaires, même s’ils restent parfois une incohérence entre leurs valeurs, leurs discours et leurs pratiques. À la différence des « bohèmes » ou des « pauvres heureux » qui parviennent à vivre une véritable sobriété heureuse et donc disposent d’une empreinte écologique plus soutenable. Les changements de comportements des « minorités actives » peuvent contribuer à transformer les valeurs de la société en changeant les modes de vie et de consommation des classes dominantes. Cela aura des répercussions sur les autres classes sociales, qui cherchent généralement à les imiter.

Or, les cultures populaires usent de pratiques écologiques, notamment parce qu’elles sont fondées sur la sobriété. Les cultures s’enracinent dans des pratiques concrètes. Voici une liste de pratiques volontaires ou contraintes, des classes populaires ou pauvres, dont s’inspirent parfois sans le savoir les partisans de la sobriété heureuse :

 
– La consommation majoritairement végétarienne (par manque de moyens), plutôt que de la viande à tous les repas.
– Les transports en commun et le vélo plutôt que la voiture.
– La réparation et la récupération plutôt que de jeter après usage.
– La maîtrise de technologies simples plutôt que dépendance à une technologie de pointe.
– La solidarité familiale plutôt que l’individualisme égoïste.
– L’entraide amicale ou familiale plutôt que le paiement de prestataire privé.
– L’auto-construction de son habitat plutôt que la construction par une entreprise extérieure.
– Le prêt plutôt que l’achat.
– Vivre humblement avec peu plutôt que de chercher à travailler plus pour gagner plus
– Les jardins familiaux et ouvriers plutôt que le rayon du supermarché.

La sobriété heureuse et le « bien vivre » forment des projets de vie et une politique de l’écologie de la sobriété. La sobriété heureuse n’est pas la misère matérielle (la non-satisfaction des besoins essentiels physiques et matériels, tel que se loger) et la misère moderne ou la pauvreté modernisée (une misère matérielle réelle, doublée d’une illusion construite par la société marchandisée[15]. Tandis que la misère relève d’une dimension quantitative, la sobriété heureuse relève, quant à elle, plus de la dimension qualitative. Ainsi, dans une situation de simple satisfaction des besoins essentiels physiologiques et matériels, le miséreux vivra mal cette situation, tandis que le pauvre peut accepter cette situation et bien la vivre, dans le cadre d’une « sobriété heureuse ».

« Qu’en est-il de la simplicité involontaire des plus pauvres ? Est-ce une bonne chose ? » s’interroge Richard Gregg. « La contrainte crée une frustration, un sentiment d’infériorité, du ressentiment et de l’envie pour les choses qui leur sont refusées. Plus la sobriété volontaire sera pratiquée par les privilégiés, plus les avantages de la simplicité rejailliront sur les défavorisés, car leur abstinence subie leur paraîtra d’autant moins injuste et leur pauvreté pourrait alors trouver un remède » [15]. Les plus riches peuvent donc apprendre des plus pauvres, contrairement à ce que la majorité pense souvent, puis le processus peut s’inverser.

La simplicité subie peut être bien ou mal vécue. Cependant, elle est généralement mal vécue. En France, c’est ce que Nicolas Duvoux appelle « l’autonomie contrariée ». Ce sont des personnes qui touchent des aides et qui sont persuadées de ne pas pouvoir sortir de ce système d’assistanat. Elles se positionnent donc comme victimes et mettent en avant leurs difficultés. Elles intériorisent également leur statut et la stigmatisation que celui-ci entraîne.

La « décolonisation de notre imaginaire » est le premier pas vers la sobriété [21]. Voilà ce qu’explique Serge Latouche et cela suppose un véritable changement de paradigme. François Houtard, dans une allocution à l’assemblée générale des Nations Unies, le 30 octobre 2008, proposait d’une part de remplacer la valeur d’échange par la valeur d’usage, afin de permettre de créer des biens communs et non plus seulement des biens marchands. D’autre part, il suggérait de s’appuyer sur l’interculturalité, afin de parvenir à changer nos systèmes de valeurs respectifs.

 La sobriété sera renforcée par ceux qui évitent de tomber dans le confort marginal. Le niveau du confort marginal est en relation avec le niveau d’impact environnemental. Ainsi, le confort marginal signifie que « la réponse à un besoin n’augmente que très peu le niveau de confort d’un individu ou d’une société… Tout en ayant un impact environnemental, social ou sociétal négatif. Voici un exemple : passer d’un téléphone classique, à un smartphone aura un impact positif fort sur votre confort (nouveaux usages, nouvelles pratiques etc.), et un impact environnemental donné. C’est dans ce cas que l’on parle d’un apport de confort marginal. C’est ce moment où l’emploi de technologie ou de numérique, a un impact environnemental et sociétal négatif, sans pour autant apporter de confort significatif »[16].

Le développement de la sobriété énergétique peut s’opérer par des taxes pénalisantes, des baisses de taxes incitatives, des subventions ciblées ou des quotas. La hausse de la taxe sur le prix du carburant a été le déclencheur du mouvement des gilets jaunes estimant que cette taxe pèsent trop fortement sur le porte-monnaie des plus pauvres. De plus, ils considèrent et que cette taxe n’était que très partiellement attribuées à la protection de l’environnement. Mais cette taxe s’avère pourtant un des instruments pour limiter le réchauffement climatique rappellent certains gilets verts ! Alors, comment concilier justice fiscale et écologie ?

L’idée d’une carte carbone figure peut être parmi les solutions. Elle consiste dans une planification par les quotas de pétrole par individus. On relève au moins trois méthodes pour limiter les émissions de CO2 des véhicules individuels. Il y a l’actuelle régulation incitative du marché par les taxes sur le prix du carburant, la planification par les quotas sur la consommation individuelles et la régulation par le marché des quotas individuels. « Dans les années 1990, David Fleming et Mayer Hillman, deux intellectuels britanniques proposèrent les premières ébauches de ce qui allait être ensuite connu sous le nom de ’’ carte carbone ’’[17]. Ils défendaient l’idée d’une politique publique, menée à l’échelle nationale, dans laquelle chaque personne se verrait remettre un quota annuel de droits d’émissions de CO2 qui conditionnerait toute consommation d’énergie primaire (gaz, électricité, fioul, essence, etc.). Ces droits d’émissions se décomposeraient en unités ou points et figureraient sur une carte à puce, d’où le nom de ’’ carte carbone ’’. (…) Le budget carbone annuel, c’est-à-dire la quantité totale de droits d’émission de distribuée chaque année par pays et donc par individu suivrait les niveau d’engagements d’émission de CO2 du pays. Les quotas distribués seraient strictement égaux d’une personne à l’autre. »

La carte carbone est fondée sur une planification par les quotas. Elle permet un effort égalitaire entre les individus. Mais cette forme d’égalité économique quantitative s’avère-t-elle équitable ? En effet, certaines personnes en fonction de leur métier ont plus besoin, que d’autres de se déplacer. Dans, ce cas l’égalité, n’est pas équitable, car les besoins différents. Le gouvernement français par exemple, a attribué des primes (des subventions) en 2019 pour les citoyens disposant de faible revenus et qui effectuent de longs déplacement pour se rendre à leur travail. Il s’agissait dans ce cas d’une régulation compensatrice, visant à agir sur la régulation incitative par le marché, via les taxes sur le carburant. Cela renforce donc l’égalité et l’équité dans une certaines mesures, tout en conservant un certain cadre, consistant dans une volonté globale de réguler les émissions de CO2 au niveau national, via la consommation individuel.

L’autre méthode consiste dans la création d’un marché des quotas individuelles, afin de favoriser l’équité, puisque les besoins de chacun ne sont pas identiques, pas égaux, en matière de déplacement pour l’usage de son véhicule personnel. Cette méthode vise à tenter d’allier le principe de justice, de liberté et d’égalité. En effet, « tout le monde n’a pas les mêmes consommations d’énergie. C’est pourquoi Fleming et Hillman proposaient de mettre en place une bourse d’échange, où ceux qui voudraient consommer plus que leur quota pourraient racheter des unités supplémentaires aux plus économes, qui en auraient en excédent. Leur prix évoluerait en fonction de l’offre et de la demande. Cela revient à organiser en quelque sorte un tarif progressif, mais ici en deux tranches uniquement : la dotation initiale de droits d’émissions est gratuite, et au-delà les unités supplémentaires sont payantes. Les dépassements de quotas individuels seraient donc limités et conditionnés par la disponibilité de quotas excédentaires. Dans tous les cas, le budget carbone national est strictement indépassable.[18] »

Cependant, le marché des quotas individuels ne risque-t-il pas de dériver vers le système actuel du marché international des droits à polluer des entreprises délimité par pays ? Ce dernier permet aux entreprises de continuer de polluer à volonté, lorsqu’elles disposent des moyens financiers suffisants pour racheter les droits des pays ou des entreprises, qui ne les consomment pas eux-mêmes, généralement par manque de ressources financières. Le marché des quotas par les individus d’une nation risque donc de subir les mêmes types de dérives. Les individus les plus riches rachetant le quota des personnes ne disposant pas de véhicule ou rachetant les quotas de ceux qui roulent peu. Par conséquent, le marché des quotas individuels apporte de la liberté en complément de la planification égalitaire, mais doit être fortement limitée ou encadrée, afin de ne pas anéantir le dispositif global.

Le marché des quotas individuels permet aux plus riches de consommer plus, tandis que la régulation par la subventions des plus pauvres, permet à ces derniers de ne pas être pénalisés pour accéder à leur travail. Afin, de contrôler les émissions de CO2 par les individus dans leurs déplacements en automobile, il y a donc un équilibre à trouver entre

1) la régulation incitative du marché avec les taxes sur le prix du carburant, qui est égale, mais inéquitable,

2) la planification égalitaire par quotas individuels pour tous,

3) le marché des quotas pour les besoins des individus plus riches

et 4) l’attribution de subventions individuels pour les plus pauvres.

Une politique équitable en faveur des plus pauvres pourrait combiner ces 4 leviers. Elle privilégierait d’abord la régulation incitative du marché avec les taxes sur le prix du carburant, parallèlement à une égalité de la planification par quota. Puis, elle attribuera des subventions individuels pour les plus pauvres, afin de rétablir de l’équité pour les plus pauvres. Elle laissera néanmoins une légère part, pour le marché des quotas pour les besoins des individus plus riches, afin de conserver une certaine souplesse et d’éviter les excès de la rigidité de la seule planification. En effet, la quête de l’équité suppose d’introduire une composante de liberté dans la recherche de l’égalité. A la différence du communisme égalitariste, cette politique vise plutôt l’égaliberté dénommée ainsi par Etienne Balibar.

IL EXISTE PLUSIEURS TYPES DE POLITIQUES DE LA SOBRIETE

En 2021, l’Ademe a imaginé 4 scénarios avec ou sans sobriété pour atteindre la neutralité carbone en 2050.Pour parvenir à cette neutralité, cela suppose que la France et le reste du monde suivent au moins l’un d’entre eux et que cela fonctionne véritablement.

– Scénario 1 : Génération frugalité (sobriété, sans décroissance avec un peu de technologie),

– Scénario 2 : Coopérations territoriales  (avec une légère sobriété et un peu de technologie) ,

– Scénario 3 : Technologies vertes (sans sobriété),

– Scénario 4 : Le pari réparateur (solutions technologiques sans sobriété)[19].

Ces 4 scénarios sont instructifs, même s’ils restent fragiles par rapport à la réalité du futur. En effet, dans le scénarii de frugalité, il n’y a pas de décroissance du PIB. L’Ademe considère néanmoins qu’on peut parvenir à la neutralité carbone (diviser par 6 l’empreinte carbone d’un français). Cependant, on peut sérieusement s’interroger sur le réalisme de cette prédiction, dans le mesure ou il y a une corrélation très forte entre la création de richesse (le PIB) et l’empreinte carbone.

Par contre, un scénario de frugalité, de sobriété avec une légère croissance à court terme, est envisageable avec une empreinte carbone est possible, mais seulement si le PIB a été au préalable fortement réduit. Or, ce n’est pas le projet du scénario 1. En effet, plus encore que la décroissance, pour atteindre la sobriété de l’empreinte carbone et écologique, le plus ’important réside dans le niveau du PIB. En effet, à court terme, il vaut mieux un faible PIB, avec une forte croissance, donc avec une faible empreinte écologique, plutôt qu’un important PIB (par exemple 10 fois plus important que le précédent, avec une décroissance forte (par exemple une baisse de 3% par an). En effet, un PIB fort génère majoritairement une empreinte carbone forte. Sauf s’il se limite à une création de valeur par des services sociaux et culturels locaux et non pas de la production de biens matériels. Néanmoins, à long terme une croissance même faible engendrera à terme un PIB important et une empreinte carbone non soutenable.

Dans le scénario 1 de la frugalité, qui s’avère le plus ambitieux, la consommation d’énergie est divisée par 2 par rapport à la consommation réelle de 2015 en France. A efficience et énergie renouvelable constante, cela engendrerait une empreinte carbone divisée par 2, mais aussi un PIB divisé par 2, si la proportion entre la production de biens et de services ne change pas. Or, l’empreinte carbone doit être divisée par 6 et non seulement par 2. Il faudrait donc compenser par l’efficience ou les énergies renouvelables, qui devraient donc être multipliées par 4. Or, l’efficience ne progresse que très lentement depuis 20 ans et il en est de même des énergies renouvelables.

Il existe 4 principales types des politiques socio-économiques et écologiques vis-à-vis de la sobriété :

      – Une politique de croissance socio-économique, sans sobriété énergétique (Politique libérale de croissance économique : modèle standard)

      – Une politique de sobriété socio-économique prosociale et de sobriété énergétique (Politique d’écologie sociale)

      – Une politique de sobriété énergétique, mais antisociale (Politique écologique libérale)

      – Une politique de sobriété socio-économique, sans sobriété énergétique (Politique libérale d’austérité économique, avec une faible réduction de la consommation énergétique globale et pas de mesures écologiques).

Peut-on concilier une croissance économique forte avec une politique de sobriété énergétique ?

      – Selon les libéraux ce n’est pas possible, car la sobriété énergétique va engendrer une récession économique.

      – Selon les écologistes keynésiens, on peut parvenir à une croissance économique forte fondée sur des investissements écologiques, (telle la rénovation énergétique). Car l’efficience énergétique peut s’opérer sans sobriété énergétique et économique, voire sans décroissance économique. C’est-à-dire que la sobriété énergétique peut être faible ou forte, mais sans décroissance économique.

      – Selon les écologistes radicaux ou décroissants, une politique écologiste keynésienne ne suffira pas atteindre une empreinte carbone soutenable.

      – Par conséquent les décroissants et les libéraux se rejoignent sur l’idée que la sobriété énergétique s’oppose à la croissance économique, mais les premiers s’opposent à cette dernière, tandis que les seconds la réclame.

On peut complexifier un peu l’analyse en incluant la dimension de l’efficience. Cependant, les politiques ne changent pas véritablement, mais se nuancent simplement.

Il y a plusieurs politiques vis-à-vis de la (dé)croissance économique, de la sobriété énergétique et de l’efficience énergétique. Il y a ainsi :

– Des politiques libérales pessimistes sur l’efficience (récession libérale) : Il y aura une décroissance économique, à cause de la sobriété énergétique et de l’insuffisance de l’efficience énergétique.

– Des politiques libérales pro-efficience (à long terme) et anti-sobriété énergétique : croissance économique grâce à l’efficience, mais sans politique sociale.

– Des politiques écologistes keynésiens : croissance économique, grâce à une forte efficience :

                  – avec sans sobriété énergétique,

                  – avec une faible sobriété énergétique.

– Des politiques décroissantes solidaristes : selon eux, l’efficience ne suffira pas, il faut donc de la sobriété énergétique et surtout de la décroissance économique.

De plus, lorsque l’efficience énergétique augmente, on observe souvent un « effet rebond ». C’est-à-dire qu’avec les économies énergétiques et financières consistant à moins polluer, on dispose alors de plus de revenus disponibles, pour dépenser et consommer à nouveau !

Il peut aussi exister un effet rebond généré par la sobriété énergétique par exemple dans le secteur du chauffage, qui favorise des économies financières ce qui permet ensuite d’accroitre la capacité à consommer dans le transport. La croissance du CO2 dans ce dernier, va donc annuler les résultats de la sobriété énergétique du chauffage.

La solution la plus simple et la plus sure consiste donc dans la diminution des revenus par individu… En commençant, bien sûr par les plus riches si l’on souhaite suivre le principe d’égalité. Par conséquent une croissance verte, c’est-à-dire une croissance économique, sans croissance des émissions de CO2 n’est pas réaliste, si les revenus et le PIB par habitant s’accroissent ou même s’ils sont stabilisés.

L’approche fondée la sobriété et les besoins essentiels ne doit pas aboutir à un système à deux vitesses. Les trois principes d’un projet de développement social sont les besoins essentiels, le développement autonome et l’identité culturelle selon Roy Preiswerk, de plus, ils sont interdépendants et synergiques [32].

La stratégie des besoins essentiels suppose donc un changement des valeurs et des lois sur lesquelles de notre économie marchande capitaliste. La stratégie des besoins essentiels peut remettre en cause certains principes de ce système en introduisant certaines limites et certaines règles pour protéger les plus faibles.

Pour rester égalitaire, l’écologie de la sobriété doit éviter les dérives du modèle caritatif néolibéral ou le modèle de l’assistanat de l’État-providence de la sociale démocratie. Dans les deux cas, les besoins des plus pauvres sont plus ou moins pris en compte, mais engendrent une société à deux vitesses. C’est-à-dire que l’écart reste perpétuellement très important, entre les classes riches et les classes très pauvres.

Conclusion

Il existe plusieurs formes de sobriété qui peuvent être développées avec ou sans les autres dimensions. Il y a ainsi, la sobriété énergétique, économique, sociale, psychologique au service ou non de l’environnement… La sobriété n’implique pas mécaniquement, ni la récession, ni la décroissance, ni la pauvreté. Car la sobriété énergétique peut s’opérer avec une certaine croissance économique et une redistribution des richesses envers les plus pauvres.

Les politiques de sobriété peuvent conduire soit à l’austérité, soit à une sobriété solidariste. L’austérité s’opère parfois au détriment de tous, mais surtout des plus pauvres. A l’inverse la sobriété solidariste consistent par exemple à développer la sobriété énergétique pour tous par exemple en taxant l’énergie, mais en subventionnant les plus pauvres, voire en créant des quotas égaux, afin qu’ils ne soient pas pénaliser prioritairement.

La sobriété peut être heureuse ou malheureuse pour les plus riches et les plus pauvres. Ainsi, sobriété peut être malheureuse pour les plus riches, lorsque cela les limites dans leurs conforts ou leur croissance économique. Elle peut aussi être une sobriété malheureuse pour les plus pauvres, si elle conduit à l’austérité et que cela limite encore leur accès à la consommation et pire aux besoins essentiels. La sobriété heureuse pour les plus riches peut leur permettre notamment de travailler moins, pour stresser moins, consommer moins et polluer moins. De même, la sobriété heureuse pour les plus pauvres consiste à accepter leur situation modeste en profitant de ces limitations, pour apprendre à vivre heureux en se détachant des biens matériels inutiles.

Les personnes des classes populaires qui parviennent à « bien vivre » sont celles qui disposent d’un capital culturel et/ou social suffisant ou adapté, malgré la pression idéologique de la société de consommation.

La sobriété n’est pas toujours heureuse et elle est généralement contrainte dans les classes pauvres ou populaires. Pourtant, lorsque la simplicité devient volontaire, elle peut devenir un mode de vie vertueux au plan psychologique, social et écologique.

De plus, cela peut aider les cultures traditionnelles, les classes populaires et les plus pauvres à retrouver une fierté liée à leurs pratiques et leurs valeurs et leurs savoirs faire traditionnels. Car lorsqu’ils les méprisent, ils se considèrent alors comme des classes dominées ou en retard de développement. Ce qui conduite alors les individus des classes populaires à chercher à imiter les classes les plus riches, dans le cadre d’une « consommation ostentatoire » expliquait Veblen. Ces derniers cherchent à s’enrichir en particulier pour se distinguer des autres et obtenir une reconnaissance sociale.

Notes

[1] LEWIS O., La Vida : A Puerto Rican Family in the Culture of Poverty, San Juan and New York, Random House, 1966

[2] LAZARUS Jeanne, Les enjeux de la sociologie de la pauvreté, CERISCOPE Pauvreté, 2012.

[3] RAHNEMA Majid et ROBERT Jean, La puissance des pauvres, Actes Sud, 2008, p.

[4] RAHNEMA M., ROBERT J., 2008, p. 52

 [6] LABBENS, Jean, Sociologie de la pauvreté, Saint Amand, Gallimard, n°23691, 1978, p.76

[13] BURCH Mark, La voie de la simplicité, Ecosciété, Montréal, 2003.

[14] RESEAU QUEBECOIS POUR LA SIMPLICITE VOLONTAIRE, Riche autrement, autrement libre, juin 2013.

[15] GREGG Richard B. La valeur de la simplicité volontaire, 1936, p. 91.

[16] DUVOUX Nicolas, L’autonomie des assistés, sociologie des politiques d’insertion, Paris, PUF, 2009, p. 43

 [21] LATOUCHE Serge, Le pari de la décroissance. 2006, Fayard, 302 p.

 [32] SPITZ P., GALTUNG J., PREISWERK R., Il faut manger pour vivre… : controverses sur les besoins fondamentaux et le développement, Paris : Presses universitaires de France ; Genève : Cahiers de l’IUED, 1980, p 132.


[1] COUGARD Marie-Josée ; « Sobriété énergétique », Les Echos, 29 août 2022.

[2] RICHÉ Pascal, « Une certaine sobriété s’impose dans l’usage du mot ’’ sobriété ’’ », Le nouvel Obs, 20 juillet 2022.

[3] GREGG Richard B. La valeur de la simplicité volontaire, 1936, p. 91.

[4] USGS, Mineral Ressources Programme, 2022,  http://minerals.usgs.gov/

[5]AIE (Agence internationale de l’énergie), Émissions de CO2 dues à la combustion d’énergie, Édition 2009.

[6] DUGAST, 2019.

[7] LE COMMISSARIAT GÉNÉRAL AU DÉVELOPPEMENT DURABLE l’évalue à 9 tonnes/personne tandis que le Eco2 climat l’estime à 10,5 tonnes en 2009, in ALTERNATIVES ECONOMIQUES, CO2 sans frontières, n°306, octobre 2011.

[8] DUGAST César, Alexia Soyeux, Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’Etat face à l’urgence climatique, Carbone 4,2019, p.10

[9] DUGAST, 2019, p.8

[10] WYNES S& NICHOLAS K.A, The climate mitigation gap: education and government recommendations miss the most effective individual actions, Environmental Research Letters ; 12 Juillet 2017.

[11] NEGAWATT, Le scénario Négawatt, 2018.

[12] MINISTÈRE DE L’ÉCOLOGIE, 2021

[13] RENEWABLES 2022 Global Status Report, REN 21, 2022

[14] DUGAST, 2021, p. 20

[15] RAHNEMA M., ROBERT J., 2008, p. 52

[16] NUAGEO, Confort marginal et usages raisonnés dans le numérique, Nuageo, 29 nov. 2021.

[17] FLEMING David, « Tradable Quotas: Using Information Technology to Cap National Carbon Emissions », European Environment, 7, 5, Sept-Oct 1997, p. 139-148.

[18] SZUBA Mathilde,  « Quotas individuels de carbone, rationnement et responsabilité », in Institut Momentum, Penser la décroissance, Presses de Sciences Po., 2013.

[19] ADEME, Transitions 2050, Synthèse, ADEME Éditions, novembre 2021 a.

[20] ADEME 2021 a., p. 11.