Le 53e Congrès de la CGT qui va se dérouler du 27 au 31 mars à Clermont-Ferrand sera le moment de débattre sur la stratégie et la forme d’organisation du syndicat qui renouvelle à cette occasion sa direction confédérale. Ce Congrès de la CGT qui s’ouvre en pleine bataille de la réforme des retraites n’est pas un Congrès comme les autres. La CGT n’avance pas aussi vite que nous le souhaiterions. Devenue la seconde organisation syndicale après la CFDT, la CGT qui a été depuis sa création en 1895, le syndicat qui a structuré le mouvement ouvrier est à un tournant de son existence. Les forces qui s’affrontent sont complexes. D’un côté la direction sortante avec Philippe Martinez a tenté d’imposer sans véritable débat la représentante de la Fédération de l’éducation et de la Culture, la FERC CGT, Marie Buisson. Celle-ci a construit « Plus Jamais ça », l’Alliance Écologique et Sociale avec ATTAC, Solidaires et la FSU mais aussi avec Les Amis de la Terre, le Dal, Greenpeace, Alternatiba….Elle a soutenu les luttes éco syndicales, celle des ouvriers papetiers de la Chapelle Darblay ou des raffineurs de Grandpuits C’est une avancée sans précédent pour un syndicat dont l’histoire a été marquée par le productivisme et qui se réclame toujours d’un soutien sans faille au nucléaire. La direction de la CGT a également pris courageusement la défense de l’Ukraine menacée par la guerre coloniale menée par Poutine, soutenant les convois intersyndicaux en Ukraine mais aussi en prenant position et en appelant aux manifestations contre Poutine. Enfin la CGT a créé une des premières cellules de veille contre les violences sexistes et sexuelles et participe au Collectif National de Défense des Droits des femmes. De même elle a engagé depuis plus de 20 ans la lutte pour la régularisation des travailleurs sans papiers. En revanche la direction de la CGT n’a pas compris que le mouvement des Gilets Jaunes était un mouvement social issu des profondeurs de la classe ouvrière. Elle l’a combattu au début et ensuite attendu que celui-ci s’essouffle. De même la CGT n’arrive toujours pas à syndiquer les chômeurs, les précaires, les hors statuts et a du mal à se réimplanter dans le privé. Elle devient de plus en plus le bastion des salariés du service public et des retraités.
De l’autre côté, une offensive des tendances sectaires de la CGT qui entendent bloquer toute dynamique unitaire et d’ouverture aux urgences environnementales et à une lutte des classes qui prenne en compte les oppressions spécifiques liées au sexisme et au racisme. Ces tendances souvent issues du PCF qui voudraient revenir au bon vieux temps du stalinisme considèrent que la CGT veut faire du sociétal au lieu du social ne comprenant pas que l’écologie, le féminisme, le racisme sont des problèmes politiques et sociaux à part entière. Le capitalisme en marchandisant la totalité de la vie exige des organes de défense des travailleurs que sont les syndicats qu’ils combattent toutes les oppressions. Des fédérations et des UD de Marseille ou du val de Marne sont arc-boutées sur la défense du productivisme et enferrées dans la misogynie la plus crasse en défendant des comportements et des violences sexistes et sexuelles. Ces syndicalistes exigent le retour de la CGT dans la FSM, la Fédération Syndicale Mondiale qui regroupe des « syndicats » à la botte des dictatures russes, chinoises, d’Arabie Saoudite, d’Iran ou de Corée du Nord. La CGT l’avait quitté en 1995. Ce retour en arrière serait une régression. Nous savons qu’au sein de ces fédérations et de ces Unions Départementales, il y a bien souvent des militants combatifs qui sont déçues par l’attitude timorée de Philippe Martinez et des journées d’actions répétitives et sans perspectives. Nous respectons ces militants mais nous leur disons que le retour en arrière serait le pire des remèdes.
Les éco syndicalistes que nous sommes à PEPS, considérons que les avancées de la CGT qui se sont entre autres traduites par la cohésion de l’Intersyndicale durant des trois derniers mois ne peuvent nous laisser indifférents. Oui la CGT n’avance pas aussi vite que nous le souhaiterions : son mode de gouvernance ne permet pas que des voix dissidentes puissent avoir toute leur place comme l’a montrée l’exclusion par la fédération de la Métallurgie CGT du syndicat CGT de Stellantis (ex PSA), les positions pronucléaires nous dérangent… Mais il en va de l’avenir du mouvement populaire en France et plus largement en Europe. Et donc de la possibilité d’un éco syndicalisme, vecteur d’une écologie populaire refondée sur des bases de classe. Ce qui se joue dans la CGT, c’est ce que les travailleurs invisibilisés, les éboueurs, les salariés du nettoyage, les aides-soignantes et infirmières, les ouvriers des usines polluantes, ceux du bâtiment, les chômeurs et les précaires, les auto-entrepreneurs surexploités des plateformes mettent à jour dans leurs luttes: la nécessité d’un éco syndicalisme de combat, réunifié avec Solidaires et la FSU, menant des combats dans le cadre d’un syndicalisme rassemblé avec les syndicats réformistes.
Encore une fois nous ne soutenons aucune bureaucratie syndicale. Nous préfèrerions avoir une force écosyndicale, unie, démocratique, de masse et de classe intégrant et prenant en charge les luttes et les mouvements de chômeurs, antiracistes, féministes, mal logés…. Mais nous ne vivons pas dans un monde idéal. Dans ce moment crucial le mouvement social a besoin d’une CGT forte et offensive qui ne se replie pas sur elle-même.
Aujourd’hui, le syndicalisme est contraint de se refonder. Il fait face à des défis aussi importants que lors de sa fondation. Si la critique sectaire tournée vers le passé paralyse trop longtemps le syndicat, un effondrement est possible. Il y a une exigence juste : celle du débat démocratique. Les écologistes anticapitalistes de PEPS, qui ont participé à la création du réseau Ecosyndicaliste et soutiennent l’action des éboueurs considèrent que nous avons besoin d’un syndicalisme de combat, de masse et de classe, réunifié.