Une insulte pour les écologistes
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L’architecture du nouveau gouvernement est une insulte pour les écologistes. Emmanuel Macron a nommé deux ministres, vendredi 20 mai, pour prendre la relève de Barbara Pompili. Amélie de Montchalin pilotera « la transition écologique et la cohésion des territoires » au sein du nouveau gouvernement, et Agnès Pannier-Runacher mènera « la transition énergétique ». Elles travailleront sous la tutelle de la première ministre, Elisabeth Borne. Toutes trois sont des techno libérales anti-écolos. Même si nous pouvons considérer comme des avancées que des femmes accèdent au poste de Premier Ministre ou prennent en charge des ministères importants, le compte n’y est pas car ces femmes sont aussi l’expression d’un « féminisme de marché ». Celui-ci ne se soucie pas du sort des femmes discriminées victimes de cancers de l’environnement ou des violences faites aux femmes comme l’atteste un gouvernement où siègent Gérard Darmanin et Damien Abad poursuivis pour viols. Ces ministres de l’écologie, toutes deux issues du secteur de l’économie et des finances ont, comme Elisabeth Borne, voté ou approuvé la poursuite du glyphosate et des néonicotinoïdes, la continuation de la chasse sous toutes ses formes, le soutien total au nucléaire, le développement de l’agriculture productiviste et toutes les réformes antisociales à commencer par la suppression des CHSCT qui constitue une insulte aux victimes de l’amiante et des pollutions chimiques et industrielles.
- Elisabeth Borne, quant à elle, que ce soit en tant que ministre de l’Écologie ou des Transports, n’a rien fait pour respecter l’Accord de Paris, ni pour sortir le secteur de la mobilité de sa dépendance aux énergies fossiles. Avec Macron et Castex elle partage, le refus de faire voter les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat. En tant que Ministre du Travail, elle a organisé une politique brutale à l’égard des personnes les plus précaires avec notamment la mise en œuvre de la réforme de l’Assurance chômage.
- Amélie de Montchalin, diplômée de HEC et de la Harvard Kennedy School n’a aucune compétence technique sur les questions écologiques. Passée par le cabinet de Valérie Pécresse (Les Républicains) au ministère de l’enseignement supérieur, elle a travaillé dans la banque et l’assurance avant d’être élue députée de l’Essonne sous l’étiquette La République en marche, en 2017.
- Agnès Pannier- Runacher a été inspectrice des finances, puis a travaillé au sein de la Caisse des dépôts et dirigé la Compagnie des Alpes, entre autres. Sa nomination exprime la volonté́ de donner la priorité́ absolue au nucléaire.
- Marc Fesneau, ministre de l’Agriculture, était employé de la chambre d’agriculture de la Beauce et dépend des lobbys et syndicats agricoles de l’agro- industrie.
- Christophe Béchu, ministre délégué chargé des collectivités et Justine Bénin, secrétaire d’Etat à la mer complètent le tableau, laissant mal augurer la prise en compte de la biodiversité́ marine. Un secrétaire général à la planification écologique, Antoine Pellion, qui a mis en application la taxe carbone (!) devra coordonner le dispositif, – qui ressemble plus à une usine à gaz-, qui va noyer le poisson de la lutte contre le dérèglement climatique. Le « mille-feuille » bureaucratique s’est encore doté d’une couche de trop.
La privatisation de l’environnement
Cette organisation est un pas de plus dans la privatisation des fonctions de l’État dans la régulation écologique. Elle a commencé avec la révision générale des politiques publiques (RGPP) démarrée sous Nicolas Sarkozy et poursuivi sous Hollande et Macron. Le ministère de l’Écologie y a perdu 15 000 agents. Les gouvernements successifs ont poursuivi la liquidation des compétences et des savoir-faire de l’État. Depuis, ce dépeçage du Ministère ne s’est pas arrêté. L’État se désengage progressivement de ses missions de service public et livre pieds et poings liés, usagers et collectivités aux mains des multinationales de l’environnement. En témoigne, par exemple, la suppression des métiers consacrés au conseil des collectivités locales dans la gestion de l’eau qui permet à Véolia et Suez, fusionnés, de prendre le contrôle complet des eaux et de marginaliser les régies municipales. Dans d’autres domaines cette fonction de conseil a été supprimée sous Macron. Lorsque l’on pousse cette logique jusqu’au bout, il n’est pas étonnant que l’État remplace ses propres fonctionnaires par des robots playmobiles des cabinets Mac Kinsey où l’on paye beaucoup plus cher des « conseils » qui permettent d’affaiblir encore plus l’action de l’État.
Aujourd’hui au nom de la « planification écologique » terme emprunté au programme de l’Avenir en Commun, le démantèlement s’accélère. Il est inspiré d’une note intitulée » Gouverner la transition écologique », rédigée par le député européen LREM Pascal Canfin et Thierry Pech, le directeur général de Terra Nova, ce Think Thank social libéral. Sous le prétexte de la « participation citoyenne », Macron institutionnalise ce rôle qui vise moins à renforcer la démocratie environnementale qu’à gouverner la transition écologique par la responsabilisation et la mobilisation d’« écocitoyen·nes » au service de l’État. Cette pseudo participation citoyenne est une forme de dépolitisation car elle est pensée par les macronistes comme un instrument de l’État pour canaliser et récupérer toute contestation et en faire un acte de plébiscite de l’action gouvernementale. Il ne s’agit plus de participer à la discussion sur les principes d’actions, mais de mobiliser les citoyens pour les objectifs définis par l’État.
Un projet productiviste fondé sur le tout nucléaire
Cette gouvernance se base sur la séparation de la politique énergétique des politiques environnementales. Cette division entre lutte contre le dérèglement climatique et adaptation au changement climatique est grave car elle dilue la cohérence des politiques publiques face à la crise climatique. Comme si l‘énergie n’avait pas de conséquences sur la nature, le logement, les transports. Elle acte aussi l’absence de la biodiversité, des priorités de ce gouvernement alors que nous savons que la sixième extinction des espèces est liée au changement climatique. Enfin cette gouvernance repose sur un projet productiviste d’où sont absents le logement et les transports, privés de portefeuille. Les décrets d’attribution parus le 1er juin aggravent d’ailleurs la situation en cloisonnant encore plus la crise environnementale et l’énergie contrairement à toutes les demandes des ONG environnementales. La raison d’être principale de cette destruction du ministère de l’écologie est que les macronistes misent maintenant sur le tout nucléaire. Cela alors même que celui-ci, toujours aussi dangereux intrinsèquement, est économiquement un désastre avec la moitié des centrales arrêtées et le scandale du premier EPR qui n’a toujours pas été mis en fonctionnement. La France est la seule à faire ce pari hasardeux et dangereux, au moment même où la guerre en Ukraine souligne que nucléaire militaire et civil sont par essence, liés et peuvent déboucher sur des catastrophes majeures.
Alors que le dernier rapport du GIEC dit que nous n’avons plus que trois ans pour prendre des décisions fondamentales quant à la crise climatique, que le taux de C02 n’a jamais été aussi haut depuis quatre millions d’années, ce gouvernement est décidément celui de l’impuissance et du greenwashing et donc de tous les dangers. Les 12 et 19 juin, il est urgent que dans les urnes, nous en finissions avec ce gouvernement de maltraitance sociale et écologique.
PEPS, le 9 juin 2022