Parfois un événement change le cours d’une histoire programmée. Macron en refusant de faire voter la contre-réforme des retraites et en utilisant le 49/3 à l’Assemblée nationale a transformé une crise sociale en crise politique et démocratique. Il a par lui-même déstabilisé son pouvoir jupitérien en montrant une fois de plus, une fois de trop le mépris dans lequel il tient le peuple. Ce déni démocratique, il l’a fait parce que ce mouvement uni et déterminé n’a pas faibli en deux mois de manifestations et de grèves. La mobilisation qui s’est ancrée dans les petites et moyennes villes a mobilisé des travailleurs des secteurs stratégiques et des travailleurs invisibilisés comme les éboueurs. Le mouvement social de 2023 est l’héritier directe des Gilets Jaunes : Manifestations sauvages et non déclarées comme le 16 mars dans de nombreuses villes de France, coupures « Robin des bois » des responsables de la majorité, occupations de ronds-points et de périphériques, blocages des raffineries et des incinérateurs…la désobéissance civile se généralise. Une par une les conditions pour gagner que nous avions listées dans un précédent éditorial sont peut-être en train de se réunir.
C’est maintenantla question du pouvoir qui se pose : le mouvement peut durer s’il se politise en profondeur pour la destitution de Macron tout en continuant à demander le retrait de la contre– réforme. Il peut durer s’il étend sa contestation desretraitesàla question du travail, de son sens, de sa pénibilité et de sa charge mentale. C’est pour cela que nous devons appuyer de toutes nos forces les luttes des éboueurs comme de toutes les catégories sociales invisibilisées. Les caisses de grève doivent être en priorité ciblées vers de celles et eux qui doivent tenir face aux briseurs de grèves
Il peut durer s’il se conjugue avec les autres revendications et notamment la hausse des salaires et la disparition des inégalités écologistes et de genre qui sont liées directement à la retraite. De ce point de vue la jonction le 25 et 26 mars avec le mouvement anti-bassines dont la manifestation vient d’être interdite est importante comme l’idée qui circule dans les syndicats et les AG inter-pros de proposer une montée générale à Paris. Si la lutte doit s’enraciner localement il faut après le 49/ 3 que la colère puisse trouver un débouché politique ; celui d’aller chercher Macron et sa bande jusqu’à l’Élysée.
Mais la condition absolue de sa victoire c’est son auto-organisation dans les quartiers, les villages et les entreprises. Si l’animation du mouvement par l’Intersyndicale a permis de rassembler dans un premier temps des millions de manifestants à travers huit journées de manifestations, elle a en même temps paralysé la prise en main par la base et l’action de la population. La démocratie directe doit s’exercer dans les assemblées générales d’entreprises, des assemblées populaires dans les villes, les quartiers, les villages.
C’est pour cela que PEPS est favorable au Référendum d’Initiative Partagé, un RIP où des comités d’action feraient signer sur les marchés, par du porte-à-porte, sur les places et les ronds-points serait un puissant levier pour imposer un recul au gouvernement. Le RIP est une occasion de transformer en victoire politique la mobilisation sociale. Si l’objectif de 4,7 millions de signatures est à priori très difficile à obtenir, il permet d’organiser un débat de fond capable de mobiliser comme au moment du Référendum sur le TCE en 2005 des millions de citoyen.nes. Il permettra que partout sur le territoire les langues commencent à se délier sur ce qui nous concerne tou-te-s intimement : notre propre vie. Car en nous volant deux ans de notre vie, la bande à Macron a montré son mépris à l’égard de ceux qui pour lui « ne sont rien ». On le savait depuis son premier quinquennat mais là il a carrément craché sur chacun d’entre nous et particulièrement sur les plus cassés par leur travail.
Pour l’Intersyndicale et la NUPES, utiliser le RIP est une manière de sortir par le haut. Il n’est pas contradictoire avec le durcissement du mouvement sur le terrain mais il permet de s’inscrire dans la durée. Pourquoi maitriser le temps du mouvement est-elle la clef pour gagner ? Parce que depuis plus de quarante ans, nous vivons une défaite rampante du mouvement populaire où nous avons perdu des batailles successives qui ont engendré des régressions sociales et écologiques majeures. Mais dans cette dynamique de défaite nous avons connu aussi des « Mai rampants », c’est-à-dire des luttes longues qui se sont traduites par des victoires temporaires : en 1995 en France ou au Chiapas, avec l’altermondialisme en réponse à la mondialisation financière ; en 2010 face à la crise financière de 2008 avec Occupy Wall Street aux États-Unis, les Indignés en Espagne et les révolutions arabes de la Tunisie à la Syrie. Ont succédé à partir de 2018 avec Nuit Debout, les Gilets jaunes en France, les révoltes anti-austéritaires en Équateur, au Chili, à Hong Kong et dans de nombreux pays, ou encore de nouveaux mouvements sociaux comme les mouvements féministes, les mouvements climats, les mouvements des peuples indigènes contre l’extractivisme…Nous sommes toujours dans cette séquence ouverte par la Loi Travail de François Hollande.
Une fois de plus, quitte à nous répéter, la victoire ou la défaite dépendent de notre capacité à prendre nos affaires en main, à lutter d’abord contre la résignation qui signifierait de fait la porte ouverte à Le Pen en 2027. Il y a des moments où l’Histoire est au rendez-vous. Comme le disait M. Pivert le 27 mai 1936 :« Qu’on ne vienne pas nous chanter des airs de berceuse : tout un peuple est désormais en marche, d’un pas assuré, vers un magnifique destin. Dans l’atmosphère de victoire, de confiance et de discipline qui s’étend sur le pays, oui, tout est possible aux audacieux. … ». Tout est possible, maintenant, à toute vitesse…Nous sommes à une heure qui ne repassera sans doute pas de sitôt au cadran de l’histoire. Alors, puisque TOUT est possible, droit devant nous, en avant, camarades ! Oui, tout est possible !