La tribune libre de PEPS :  Hanouna/ Boyard : dictature, parlementarisme et autogestion

PEPS met à disposition une tribune libre pour partager des textes de réflexion inédits, proposés par des contemporains, afin de nourrir les idées et le débat autour de l’écologie populaire et sociale. Aujourd’hui, une contribution d’Ashraf, Gilet jaune du 93.

Hier j’ai croisé le chef des dealers de ma rue et ça le faisait marrer que Hanouna ait traité un député de « bouffon » et de « merde ». Il n’avait pas trop suivi sur Bolloré et le pillage de l’Afrique. Lui ce qui l’intéressait, c’est qu’un député se soit fait insulter, parce qu’il n’aime pas trop les députés.

Après avoir fait un coup d’état en 1852, Louis-Napoléon Bonaparte avait organisé un référendum pour faire valider sa dictature. Le slogan qui circulait à l’époque chez les paysans c’était « il vaut mieux engraisser un cochon que d’en engraisser 700 ». Il y avait 705 députés à l’époque et ils étaient payés 25 francs par jours. On le sait parce que, quelques mois plus tôt, le député Baudin, qui appelait les ouvriers à s’opposer au coup d’état de Louis-Napoléon Bonaparte s’était vu répondre « Croyez-vous que nous allons nous faire tuer pour vous conserver vos vingt-cinq francs par jour ! ».

Aujourd’hui il y a 577 député.e.s payé.e.s 7 493,30 € (soit 5 841,03 € net). C’est beaucoup. La fortune de Bolloré, c’est 75 milliards de dollars. C’est beaucoup plus.

Le chef des dealers de ma rue n’aimerait pas que je le compare à un paysan, lui il se voit plutôt comme un genre d’entrepreneur. Mais bon, il fait un peu le même calcul que les paysans de 1848 : il préfère engraisser un Hanouna dictateur ou un Bolloré dictateur que 577 cochons. Pour ce que ça lui sert.

Je suis à moitié d’accord, beaucoup de député.e.s sont juste là pour faire joli et pour voter les projets du gouvernement. Pour ce qui est du salaire, c’est un peu comme le salaire des footballeurs, je trouve que c’est trop, mais c’est pas mon problème principal. Mon problème principal c’est que la famille Bolloré s’engraisse depuis 200 ans sur le sang et la sueur de leurs ouvrier.e.s breton.ne.s puis africain.e.s et qu’aucun pouvoir politique n’ait jamais eu la force de leur dire stop.

Le salaire des député.e.s, en principe, au départ, ça servait à deux choses: à empêcher qu’il n’y ait que des riches qui fassent de la politique, et à empêcher que les députés du peuple ne se fassent corrompre et acheter par des puissances d’argent (la famille Bolloré par exemple). Dans les deux cas il y a des biais, on le voit tous les jours. En même temps le peuple élit principalement des riches notables qui rêvent de profiter de leur mandat pour devenir encore plus riches (et les médias présentent ça comme l’ordre naturel) . Quand des député.e.s sont issu.e.s des classes populaires et cherchent à les représenter (comme Alain Krivine et Arlette Laguiller au parlement européen dans les années 90) c’est encore les seul.e.s qui reversent leurs salaires à leurs partis et ne se gardent qu’un SMIC.

Dans mon système idéal je remplacerais tou.te;s les députés par des conseils populaires, des personnes comme vous et moi, issu.e.s du peuple, qui seraient chargées par le peuple d’une responsabilité pour un temps donné et devraient ensuite en rendre compte devant le peuple. Comme pendant la Commune de Paris ou aujourd’hui au Rojava. Et payées au SMIC selon le principe zapatiste « servir et pas se servir ». Mais dans mon système idéal, Bolloré et Hanouna auraient déjà pris la fuite pour échapper à la colère du peuple.

Ashraf, Gilet jaune du 93