Le 18 juin 1976, un appel du 18 Joint signé par des dizaines de personnalités paraissait dans le journal Libération. Partout des rassemblements s‘organisent en France, dénonçant la politique de répression, demandant l’abrogation des lois anti drogues datant de 1970 et la légalisation du cannabis.
Un moyen pour le gouvernement de s’attaquer aux quartiers populaires
En 2021, à l’aune de la politique sécuritaire macroniste, ces rassemblements sont interdits comme à Lyon. La lutte contre la drogue est comme d’habitude un moyen de s’attaquer aux quartiers populaires. Le 5 mai, le policier Eric Masson a été tué dans le cadre d’une opération antistups. À un an de l’élection présidentielle, ce drame a été utilisé comme tant d’autres pour renforcer la ligne sécuritaire du gouvernement, au prétexte de durcir « la guerre contre la drogue ». Le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin reprend un slogan et une politique éculés depuis des décennies et dénonce « cette merde qu’est la drogue ».
La politique prohibitionniste, répressive et punitive menée depuis toujours dans notre pays pour réguler la consommation de drogue est un échec total. La « guerre à la drogue » est avant tout une guerre sociale qui permet de viser les jeunes, les immigrés, les pauvres afin de maintenir un contrôle sécuritaire et économique en banlieue. La drogue n’est pas la cause première de la ghettoïsation des quartiers populaires. Ce sont le chômage de masse, la misère économique, les discriminations. Plusieurs milliers de jeunes sont incarcérés chaque année pour consommation et trafic de cannabis, principalement issus de milieux populaires, alors que tout le monde sait que la drogue circule partout, y compris dans le milieu rural.
Le trafic de drogue crée une zone de danger dans les quartiers populaires où bon nombre de ceux qui y vivent sont des précaires. Le trafic endommage les liens de solidarités entre habitants, laisse place à la loi du plus fort, à la violence et à la peur et accentue la stigmatisation et le sentiment d’abandon que ressentent les habitants. Le trafic de cannabis ne contribue pas au développement de l’économie locale et ne représente qu’une part marginale des revenus dont vivent les habitants. Il participe de la paupérisation et de la dégradation de l’environnement. Le système prohibitionniste crée un marché capitaliste ultra dérégulé. Ceux qui y travaillent ne sont pas protégés. Plus il y a d’interdits, plus le marché s’adapte et se développe avec 4 000 points de deal recensés par les autorités. Le chiffre d’affaires du cannabis est un peu supérieur à 1,2 milliard d’euros par an.
Avec un bénéfice proche du milliard d’euros, extrêmement concentré dans le haut de la filière, vers la centaine d’importateurs et les quelques milliers de grossistes, seules des miettes retombent entre les centaines de milliers de mains qui, elles, touchent un peu moins du Smic. Ces 100 000 et 200 000 « smicards du cannabis », livrent, font le guet et cachent les réserves. Eux gagnent à peine le Smic.
Une seule solution : la légalisation
Légaliser les drogues douces permettrait de désengorger les palais de justice et les prisons. On pourrait alors réorienter les effectifs de police sur la criminalité à col blanc… La légalisation du cannabis sauverait la vie des jeunes, diminuerait les tensions et les violences dans les quartiers populaires.
La vente doit être légalisée avec un prix qui comprenne une taxe suffisamment élevée pour que la consommation ne bondisse pas. Il s’agit aussi de contrôler que les produits ne soient pas coupés avec d’autres produits toxiques comme du caoutchouc, du plastique ou toutes autres choses délétères pour la santé. La vente doit être encadrée sans publicité et interdite aux mineurs.
En contrôlant ainsi la filière, l’État se donnerait une chance d’en finir avec l’insécurité parce qu’elle priverait les organisations criminelles de leurs revenus. Dans le cas d’une légalisation du marché, les recettes fiscales sont estimées entre 1 et 2 milliards d’euros en fonction du prix de vente et des taxes qui s’imposeront sur le marché et une partie pourrait être destinée à la politique de la ville et à l’éducation, dans le but de réinscrire les populations vivant de l’économie de subsistance actuellement offerte par le cannabis dans le champ d’une économie légale. Elles pourraient aussi servir à la politique de prévention.
Depuis sa proclamation, la loi de 1970 a plus servi à punir les simples consommateurs qu’à traquer les mafias. Les gouvernements de droite comme de gauche votent des lois de plus en plus répressives au Parlement pour renforcer la répression qui s’inscrit dans un contexte de défiance vis à vis de la jeunesse et d’ordre moral.Depuis décembre 2020, l’usage de stupéfiants est puni par une amende de 200 euros, dressée directement par les policiers. Cela restera très marginal et n’aura aucun effet, ni pédagogique, ni dissuasif pour les 900 000 usagers quotidiens.
PEPS estime que ne plus faire du consommateur un délinquant est le préalable à toute politique de santé qui vise à réellement aider les gens dans l’usage de drogues ; Il faut en finir avec la prohibition et apprendre à vivre avec les drogues, les gérer au mieux. N’oublions pas que les deux drogues les plus dangereuses en France sont légales : le tabac (60 000 morts par an) et l’alcool (35 000 morts par an).
La dépénalisation de la consommation des drogues et la légalisation du cannabis, sont pourtant des mesures simples et facilement applicables, même dans le cadre du système actuel. Aujourd’hui un nombre croissant de pays (Canada, Uruguay, USA, Mexique, Afrique du Sud, Zimbabwe, Thaïlande, Israël, Nouvelle Zélande, Australie, Suisse, Hollande, Italie, Allemagne, Espagne…) actent l’échec des politiques des drogues axées sur la répression et engagent des réformes afin de privilégier la santé publique et l’inclusion sociale.
Sauf en France.
Avec le Centre d’information et de recherche cannabique (Circ), nous demandonsle retrait du Cannabis et de tous ses dérivés du tableau des stupéfiants, la légalisation de l’autoproduction, de la production et de la distribution contrôlée du cannabis dans les bureaux de tabacs avec produit garanti sain à des fins récréatives et thérapeutiques, la réintroduction du Cannabis dans la pharmacopée, la décriminalisation de l’usage de TOUS les stupéfiants et leur légalisation en des modalités différentes selon chacun, l’amnistie pour toutes les personnes victimes de ce classement inepte et non-impliquées dans des crimes de sang, une aide médicale à la descente si besoin.
L’écologie populaire doit reprendre l’offensive sur ce terrain pour que les quartiers populaires se débarrassent des mafias, condition déterminante pour que le pouvoir populaire se développe. Avant, pendant et après 2022, une seule solution : légalisation !
PEPS, le 17 juin 2021