Une loi raciste dans toutes ses versions
La loi Immigration sur laquelle l’abject Gérald Darmanin travaille depuis 1 an a été rejetée en première lecture à l’Assemblée nationale. À force de courir derrière l’extrême droite, il a fini battu et humilié par les députés racistes qu’il essayait de draguer lourdement.
Cette loi, que le gouvernement veut maintenant faire passer pour un concentré d’humaniste et de bons sentiments contenait des mesures tirées tout droit des programmes du Front National de Le Pen père :
- La mise en place de quotas migratoires, renommés en « objectifs chiffrés » (art. 1er A)
- Des critères resserrés pour le regroupement familial, une atteinte manifeste au droit à la vie privée et familiale. Cette obsession imposée dans le débat public n’a aucun fondement puisqu’on a pu constater que la migration familiale a reculé de 10 % depuis 2005 ! Le regroupement familial d’étrangers, accordé de façon directe par les préfectures, tourne autour de 12 000 personnes par an, soit 4,5 % seulement de l’ensemble des titres. (art. 1er B)
- Le renforcement du contrôle de l’immigration étudiante : contrôle du caractère réel et sérieux des études (art. 1er G), majoration des droits universitaires pour les étudiants extracommunautaires (1er HA)
- L’exclusion des étrangers en situation irrégulière des réductions tarifaires accordées par les autorités de transport (art. 1er J)
- Le durcissement des critères du « contrat d’engagement au respect des principes de la République » (art. 13) avec des modalités de renouvellement complexifiées
- Des restrictions de visas et la modulation de l’aide au développement à l’encontre des États délivrant peu de laissez-passer consulaires (qui refuse d’accueillir les étrangers expulsés par la France (art. 14A)
- La radiation automatique, auprès des organismes de sécurité sociale et de Pôle emploi, des étrangers ayant fait l’objet d’une OQTF (obligation de quitter le territoire français). Alors que seuls 8,25 % des OQTF prononcées en 2021 ont été exécutées, sans que cela ne dissuade les gouvernements successifs d’en prononcer toujours plus : leur nombre est passé de 60 000, en 2011, à près de 122 000, en 2021. (art. 14B)
Voilà le contenu « soft » de la 29ème loi sur le sujet en 30 ans dans la même logique de répression pour empêcher les gens de venir en France, reposant sur le racisme colonial liant criminalité et immigration. Cette version qui pourrait s’alourdir en Commission Mixte Paritaire de la suppression de l’Aide Médicale d’État, de replis facilitant la présence de mineurs dans les CRA (centre de rétention, espaces pire que les prisons où sont enfermés les étrangers en attente d’être expulsés) ou d’autres fantasmes du parti LR – ce parti qu’on pourrait renommer « Les Racistes », plutôt que Les Républicains.
La loi Darmanin, c’est la créature de Frankenstein du « En même temps macroniste ». L’abject Gérald a essayé pendant des mois de nous faire croire que les expulsions des irréguliers seront facilitées et les régularisations limitées, en gros, qu’il sera plus facile et rapide de mettre dehors les « méchants immigrés » et que, en même temps, les travailleurs sans-papiers seront régularisés dans les secteurs d’activités qui en ont besoin : en gros « on intègre les gentils immigrés par le travail ».
Seulement voilà, cette régularisation telle qu’elle était prévue dans le fameux article 4bis, elle est déjà possible puisque le texte ne faisait que paraphraser la circulaire Valls aujourd’hui en application. N’apportant rien de nouveau pour faciliter l’obtention de titres de séjour par le travail, qui sont des titres de séjours d’un an, qu’il faut réussir à renouveler pendant 5 ans pour espérer obtenir un titre de séjour longue durée. Par contre, la loi durcit considérablement les critères pour donner n’importe quel titre de séjour, en rajoutant par exemple l’adhésion aux « valeurs de la République » ou le niveau de français, mais surtout en instaurant les quotas migratoires et le délit de séjour irrégulier. Donc le résultat des courses, c’est qu’il sera toujours plus difficile pour un sans-papiers, qu’il travaille ou non, de se faire régulariser.
La mobilisation pour la régularisation des sans-papiers
Le 17 octobre, une très importante grève de travailleurs sans papiers a démarré en région parisienne sur les chantiers des Jeux Olympiques et Paralympiques. Une trentaine d’entreprises sous-traitantes ont été occupées par les grévistes sans papiers, soutenus par la CGT, pendant que le chantier de l’Arena Porte de la Chapelle était occupé par les grévistes accompagnés par la CNT SO, les collectifs sans papiers, des associations et des collectifs pour la justice sociale et écologique, ciblant les donneurs d’ordre et la mairie.
Celle-ci a tout de suite cédé, car la promesse d’Anne Hidalgo de faire de ces jeux de la Honte des « jeux solidaires et écologiques » est complétement contredite par la réalité des conditions de travail de ces hommes, que l’on cache, que l’on ne veut ni voir ni écouter, mais qui pourtant construisent les bâtiments qui, dans quelques mois, seront la vitrine de notre pays face au monde entier.
S’il y a autant de travailleurs sans-papiers dans le bâtiment et la construction, c’est que les grandes entreprises, Eiffage, Bouygues, Vinci, etc. font tout pour limiter leur coûts et ne pas se salir les mains en risquant d’être des employeurs de travailleurs illégaux. Ils n’embauchent donc que des ouvriers qualifiés, des contremaîtres pour tenir les chantiers, et délèguent à des sous-traitants la main d’œuvre, moins qualifiée mais qui travaille en plus grand nombre. La sous-traitance, c’est leur la meilleure défense de Eiffage Bouygues, Vinci, etc., car ces petites entreprises peuvent facilement être dissoutes après un chantier et emporter avec elles le secret de leur pratiques illégales. Ce sont des mini sociétés-écrans qui font la basse besogne des gros patrons voyous en col blanc. La sous-traitance, c’est la maltraitance : recrutement de travailleurs en les forçant à se déclarer avec de faux papiers, absence de congés, salaire en dessous des seuils conventionnels, pas de médecine du travail, conditions de travail dégradées sur les chantiers. Les sans-papiers sont pour eux des travailleurs jetables, indésirables mais nécessaires. Pour ces travailleurs, il faut une énorme grève, dans un secteur très visible médiatiquement, pour obtenir les Cerfa, qui ne sont encore que la première étape du processus de régularisation. Car il faut ensuite que les préfectures acceptent et traitent le dossier, ce qu’elles font de moins en moins si elles ne sont pas aussi sous la contrainte d’un recours administratif. Les procédures sont longues et remplies d’embuche pour des hommes et des femmes qui sont dans des situations très précaires.
Et pendant que le temps file à attendre qu’une administration kafkaïenne amène le processus à son terme, le risque d’OQTF plane, tout comme celui de perdre son travail. Tout ça pour un titre de séjour d’un an ! et il en faudra 4 autres de suite avant d’avoir la paix. Pour des gens qui payent les impôts et cotisent comme nous ! et qui doivent avoir les mêmes droits que nous.
L’exemple de ces grévistes des chantiers Olympiques est particulièrement parlant, parce qu’après avoir obtenu leur Cerfa, les travailleurs se sont vu refuser l’accès aux chantiers sous prétexte qu’ils n’avaient pas de papiers. La circulaire Valls a beau interdire ce genre de licenciement pendant qu’une procédure de régularisation est en cours, ce n’est rien de moins que la SOLDEO (Société de livraison des ouvrages olympiques) qui considère que cette interdiction ne s’applique pas aux BTP, s’appuyant sur la variabilité des jurisprudences. Les grévistes ont dû envahir à nouveau le chantier ce vendredi pour faire avancer la situation. Et la préfecture laisse trainer.
Encore et toujours…
Imaginez mener le même combat 5 fois, 5 ans d’affilée pour enfin ne plus être un citoyen de troisième zone, un métèque que l’on enferme en CRA et renvoie à l’autre bout du monde au moindre faux pas, au moindre contrôle d’identité.
Obtenir un titre de séjour, c’est un combat entre David et Goliath, même dans des secteurs comme les JO qui sont sous le feu des projecteurs. Alors imaginez ce que c’est, loin de tout ça, dans la masse invisible des procédures individuelles. Ce que fait la loi Darmanin, c’est armer davantage Goliath, pour qu’il puisse encore plus facilement écraser David. C’est donner de nouvelles raisons aux Préfectures de faire trainer ou de refuser des dossiers. C’est donner toujours plus de moyens de pressions aux patrons voyous pour mieux contrôler leurs travailleurs sans-papiers.
Il n’y a pas d’un côté les bons immigrés qui travaillent et de l’autre les mauvais immigrés qui foutent le bordel. Il y a un État qui organise le désordre en refusant l’accueil, en faisant la chasse aux étrangers, en les maintenant dans la misère, en les forçant à vivre cachés en proie aux mafias, aux patrons voyous, aux marchands de sommeil. Il n’y a pas de métier en tension, il y a des secteurs où les entreprises profitent des plus combattifs pour les exploiter en les laissant dans la galère et l’illégalité. Les métiers en tension, ce sont les métiers de l’exploitation, et ce seraient les seuls où les immigrés pourraient hypothétiquement obtenir des papiers ?
Il faut régulariser tous les sans-papiers, tous. Et pas avec des tickets de métro d’un an, qui les rendent toujours plus vulnérables aux aléas des contrôles policiers et des licenciements. Il faut des titres de séjour pluriannuel. Parce que la première des dignités humaines, c’est de ne plus vivre dans la peur, c’est d’avoir accès à ses droits, de pouvoir vivre dans la légalité, sans la peur d’être enfermé et chassé du territoire du jour au lendemain.
De l’air, de l’air ! Ouvrez les frontières !
L’idéologie coloniale qui criminalise l’immigré en même temps qu’elle l’exploite
Darmanin conte le récit nauséabond de la lutte contre « l’écosystème de l’irrégularité » pour porter son projet qui répond à ce problème autodéclaré. Selon lui, cet « écosystème » permet à la fois d’attaquer les patrons voyous, les marchands de sommeil, les proxénètes, mais aussi les étrangers irréguliers. Tous ces éléments font partie selon lui d’un même écosystème. Son récit reprend directement l’imaginaire des éco-fascistes qui traite les immigrés comme des « espèces invasives ». Il accompagne en fait une politique toujours coloniale de l’État Français à l’égard de l’immigration : celle des accords de libre-échange pour les marchandises où l’on construit des murs de barbelés pour les êtres humains ; celle de l’inaction face aux bouleversements écologiques qui seront à l’origine de migrations de grande ampleur, celle de la fabrique des personnes sans-papiers par la dématérialisation des services rendant impossible l’accès aux droits, celle de l’exploitation des travailleurs sans-papiers directement par l’État, comme le montre la mobilisation des travailleurs sans-papiers sur les chantiers des Jeux Olympiques et Paralympiques, ou les 2 ans de mobilisation des travailleurs sans-papiers de Chronopost.
Darmanin est motivé par la peur complotiste du Grand Remplacement, montée de toute pièce par Zemmour, CNEWS et le RN. Il vise à la réimmigration de la « horde sauvage » des étrangers délinquants, sur laquelle Zemmour a fait campagne. Il fait semblant de vouloir assimiler les bons étrangers qui triment comme de bons esclaves. Les racistes peuvent se rassurer, nul besoin de voter Reconquête ! Eric Zemmour est déjà à l’Intérieur.
PEPS soutient toutes les grèves des travailleurs sans-papiers pour accéder à leurs droits, à l’égalité humaine contre l’exploitation néocoloniale qu’ils subissent en France.
Nous appelons à la manifestation de la Marche des Solidarités le 18 décembre. Nous sommes aux côtés des sans-papiers, ils sont chez eux, ce sont nos sœurs et nos frères. Ensemble, luttons pour la régularisation de tous les sans-papiers, contre le racisme de l’État et la montée du fascisme qui les désigne en boucs émissaires de la misère organisé par le capitalisme.