L’édito de PEPS: Le 8 mars, nous les femmes, on s’arrête !

Le 8 mars toutes les composantes du mouvement féministe, des associations à l’intersyndicale ont décidé d’organiser une journée de grève féministe Si toutes les femmes s’arrêtent de travailler ce jour-là, en particulier par une grève du travail gratuit, la journée risque d’être longue : cessons le travail salarié, domestique et de consommer.

L’appel à la manifestation du 8 mars se prépare depuis un moment et elle rassemble une diversité d’associations féministes comme rarement vu depuis longtemps. Ce qui rassemble c’est la lutte contre les violences faites aux femmes et aux enfants, contre les attaques sexistes dont celles de l’extrême droite. Ces voix d’extrêmes droites propagent la haine contre l’Autre, le racisme et la misogynie, la LGBTQIAphobie.

La constitutionnalisation de l’IVG est une victoire collective des femmes qui ont œuvré sans relâche depuis des décennies. Et ce n’est pas grâce à Macron malgré tous les discours repris par la Macronie aujourd’hui comme étant leur victoire. Comme d’ailleurs ce n’était ni Giscard d’Estaing, ni même Simone Weil qui furent à l’origine de la loi légalisant l’avortement mais le MLAC (Mouvement de Libération de l’Avortement et de la Contraception). Qui en organisant la désobéissance civile en pratiquant des milliers d’avortement dans toute la France obligea le gouvernement de droite de l’époque à changer la loi. C’est la puissance du mouvement des femmes, alliée aux travailleu-s-ses de la santé et du soin qui furent les vrais artisans de la loi Veil.

Petit retour sur le déroulé parlementaire : Mélanie Vogel, députée EELV dépose une proposition de loi au sénat en octobre 2022 autour de la constitutionnalisation de l’IVG et de la contraception : rejet du Sénat. Ce rejet sera confirmé en janvier 2023 par le biais d’un rapport de la commission des lois dirigé par Agnès Canayer, sénatrice LR.

L’Assemblée Nationale adopte en novembre 2022 la proposition de loi suite au rapport de Mathilde Panot députée LFI. Cette proposition de loi constitutionnelle, tout comme celle de Mélanie Vogel vise à protéger et à garantir le droit fondamental à l’interruption volontaire de grossesse et à la contraception. Les députés restreignent le champ à l’IVG et écarte la contraception. Pour autant, les doutes quant à la nécessité de constitutionnaliser ce droit reste important tout comme au Sénat et l’adoption concerne l’introduction d’un article dans la loi existante.

Mathilde Panot comme Mélanie Vogel insistent sur la contraception comme intimement liée à l’IVG. En effet, c’est souvent par le fait de supprimer l’accessibilité à la contraception que la garantie à l’accès à l’IVG est touché. Par exemple, en Pologne, la restriction du droit à l’IVG a commencé par l’interdiction de prescrire la pilule du lendemain. Elles soulignent que la loi doit garantir le droit existant Mathilde Panot défend également l’inscription par une formulation positive de la loi afin d’empêcher toute remise en question de la loi Veil. Finalement le texte sera voté par 493 voix contre 30 voix à l’Assemblée nationale et 267 voix contre 50 voix au Sénat.

Il aura fallu 18 mois de débats parlementaire pour constitutionnaliser l’IVG, dû à un travail collectif des parlementaires inscrit dans une sororité relativement rare dans ces arènes. Même les femmes de droite ont fini par soutenir le projet de loi. Mais tout cela n’aurait pas eu lieu si la société civile à travers les associations féministes n’avait fait pression jour après jour.

C’est donc bien une victoire féministe.

Certes les femmes de droite se réclament d’une loi à l’initiative du gouvernement Macron et ne cessent de rappeler que c’est Emmanuel Macron qui l’a promis le 8 mars 2023 lors de l’hommage national rendu à Gisèle Halimi. Pour autant, la réalité n’est pas celle-là : il y eut un long moment de silence : celui-ci vient simplement signifier dans ce pays profondément patriarcal, que le gouvernement et son président étaient absolument convaincus que les femmes élues au Sénat ne parviendraient jamais à obtenir un vote majoritaire pour soutenir la constitutionnalisation du droit à l’ivg. Il aura fallu la pression des associations féministes à l’extérieur, la constance des députées et sénatrices de gauche menaçant de demander un référendum sur le sujet, pour qu’un projet de loi arrive enfin dans les hémicycles.

Mais la bataille n’est pas terminée ; d’une part parce que la double cause de conscience demeure et d’autre part parce que la question des moyens se rappelle à l’effectivité de e droit.

En effet, l’IVG est le seul droit où d’impose la clause de conscience liée à la médecine de façon générale et est rappelé de façon spécifique pour l’IVG. C’est ce qui permet, par exemple, à l’extrême droite italienne de s’attaquer à la loi par le biais détourné de cette double cause : 75% des professionnels de santé l’utilise. De cette façon le droit à l’IVG demeure mais il ne peut pas être effectif par manque de professionnels.

En ce qui concerne les moyens, pour rappel 135 centres ont fermé durant les 15 dernières années et 17% des femmes sont obligées d’aller dans un autre département. Ce sera donc intéressant de suivre dans la prochaine loi de finance quels seront les moyens octroyés à l’effectivité du droit à l’IVG.

La France est le premier pays à garantir la liberté de l’IVG comme droit fondamental, inscrit dans sa constitution. Cette victoire féministe embarque ainsi l’espoir pour toutes les femmes du monde de faire respecter le droit à disposer de leur corps.

La manifestation du 8 mars 2024 est appelée par 49 organisations du mouvement social et soutenue par 20 organisations politiques de gauche. Cet appel est aussi celui d’une grève féministe qui relie trois dimension fondamentales pour nous à PEPS : grève du travail salarié, grève du travail domestique et arrêt de la consommation.

Pour l’écoféminisme, l’enjeu du travail est central. Le courant de la subsistance nous montre le rôle de la consommation comme façon d’asservir les femmes : celles du sud en travaillant à la production de biens essentiellement consommés au nord, les empêchant d’œuvrer aux activités nécessaires à leur subsistance. Trop souvent les mouvements féministes au Nord ne prennent pas en compte la question des besoins et de la survie des femmes des quartiers populaires, des zones rurales ou périphériques. L’écoféminisme, part de ce constat : l’exploitation de la nature et celle des femmes sont indissociables.  Les femmes sont des externalités économiques, c’est-à-dire que le capitalisme les exploite, mais sans rétribution. La main d’œuvre féminine n’est pas payée ou est sous-payée, et le travail des femmes (tâches ménagères, prendre soin des enfants et des personnes âgées, charge mentale, etc.) est trop souvent invisible. La nature, quant à elle, fournit toute la matière première nécessaire à l’activité de l’être humain sans qu’il n’ait jamais eu à en payer le coût écologique. Les femmes et la nature sont donc absolument nécessaires au bon fonctionnement du système capitaliste. L’écoféminisme veut en finir avec ce qui est de la prédation : « On prend, on utilise, on jette ».

Alors le 8 mars, on dit toutes non : On fait la grève du travail domestique, de ces tâches qui nous pèsent.  On se libère de la charge mentale, on descend dans la rue avec ses copines, ses voisines, ses collègues, on partage du temps pour échanger ce que nous vivons dans nos foyers. Le 8 mars contre le travail gratuit et sous payé, pour nos droits toutes en grève !