Il y a un an à Sainte-Soline, une répression sauvage s’exerçait contre les manifestant.es qui s’opposaient au projet de méga-bassine. Le pouvoir s’attaquait aux « éco-terroristes » des Soulèvements de la Terre en voulant les dissoudre. Cet épisode s’encastrait avec la lutte contre l’A69 ou la ligne LGV Lyon-Turin et d’autres grands projets inutiles et imposés (GPII). Dans tous ces mouvements, l’exigence démocratique est de plus en plus forte. II faut remettre les citoyen.nes au centre des décisions. Conjointement aux luttes contre les GPII ou l’accaparement des ressources communes par une minorité, il doit y avoir un grand projet politique. Ce projet n‘est plus uniquement celui d’une émancipation socio-économique, Il s’agit de la sauvegarde de la communauté Terrestre, des Humains et du Vivant. Les crises écologiques sont passées par là, elles sont de mieux en mieux documentées scientifiquement et cette connaissance se diffuse plus largement dans la société.
Mais cela ne suffit pas, les lectures ou la vision des images chocs des saccages écologiques sont noyées dans un flot incessant d’informations qui ne peuvent être ressenties intimement par le téléspectateur ou l’internaute, qui, bien souvent, pense que tout ça ne le concerne pas vraiment. II aura vite fait de passer à autre chose.
Certaines populations, par leur profession ou leurs observations, voient ce qui se déroule plus précisément, au fil du temps, à leur échelle. C’est le cas des paysan.es qui ont en plus la particularité de dépendre socio-économiquement de ce milieu qui se dégrade.
L’accélération des sécheresses, des pollutions entraine des conflits d’usage de ressources qui se raréfient sur des territoires entiers. Quand la survie dépend du milieu de vie, il est temps de se soulever. La victoire de Notre-Dame-Des-Landes (NDDL) a montré qu’en luttant juridiquement, politiquement et physiquement, on pouvait gagner.
Les choix sont dictés par les intérêts économiques auxquels l’appareil d’état apporte son soutien par un arsenal législatif adaptable sur mesure pour les dominants. Et quand cela ne suffit pas, l’appareil répressif prend le relai. Son déchaînement semble proportionnel à la vitesse d’emballement des crises. 5000 grenades ont été lancées par les forces de l’ordre à Sainte-Soline le 25 mars 20231, les écureuils de l’A69 sont persécuté.es jour et nuit: Répression ultra violente comme seule réponse au mal être agricole et aux revendications légitimes des citoyen.es soucieux de la préservation des biens communs.
Les victoires ne sont jamais définitives. Vinci vient d’annoncer qu’il demandait à l’état 1,6 milliard d’euros d’indemnités suite à l’abandon du projet d’aéroport de NDDL, l’annulation de la dissolution des SDT voulue par Gérald Darmanin est assortie d’un rappel à l’ordre qui plane comme une épée de Damoclès sur les militant.es, la victoire symbolique des écureuils de l’A69 ces derniers jours repose sur une disposition écologique provisoire qui n’empêcherait pas la destruction en septembre prochain ni le harcèlement policier.
Les gilets jaunes ont subi le même sort face à l’état répressif, ils découvraient ce que les quartiers populaires connaissaient de longue date. Leurs revendications étaient davantage ciblées sur le pouvoir d’achat, mais les considérations écologiques étaient présentes et traduites politiquement au sein d’un courant communaliste un peu isolé.
Les militant.es écologistes, pour certain.es issus de classes plus aisées, organisaient peu après leurs premières manifestations pour le climat. Plutôt inoffensifs, le pouvoir surveillait ces rassemblements de loin. Entre fresques et conventions citoyennes, on s’agitait gentiment. Avec les Soulèvements, un cap est franchi et même des scientifiques d’institution prestigieuses peuvent se retrouver sous le feu.2
Les luttes sont nécessaires pour freiner le désastre, et la composition proposée par les soulèvements3 est une proposition majeure pour atteindre un seuil critique, gage d’efficacité, mais ces secousses resteront insuffisantes tant que le rapport de force politique sera défavorable. Sur le plan législatif, le droit environnemental est insuffisant et souvent non respecté. On observe même qu’une victoire juridique n’empêche souvent pas la réalisation des projets écocides. « Il est trop tard pour arrêter un projet démarré » entend-on dans ces cas-là, et parfois les jugements surviennent même après les travaux.4
Peut-on se contenter de demi-victoires et sans cesse ressasser notre impuissance ? On ne peut se reposer sur quelques précieux virtuoses, lanceurs d’alerte, zadistes, paysan.nes, activistes… Il faut progresser et s’organiser collectivement, par le bas, dans des Assemblées Populaires, dans chaque quartier5, dans chaque Commune, pour construire un environnement politique et juridique qui permettra de mettre en œuvre des modes de production et de consommation compatibles avec les limites planétaires6.
Ceci passera aussi par des formes de vies sociales plus émancipatrices car à travers la lutte on fraternise , mais c’est le cas aussi dans des assemblées politiques. Le temps long joue peut-être en faveur d’une société post-croissance7 salvatrice, mais malheureusement nous n’avons pas l’éternité devant nous. La seule chose qu’il faut accélérer, c’est un renversement vers une Seconde Commune,8 pour limiter la casse et construire un destin commun fondé sur la démocratie écologiste, les communs et la décroissance choisie.
1 Sainte-Soline, autopsie d’un carnage. OFF investigation
2 A69 : Les gendarmes chargent et interrompent une conférence scientifique (Atecopol)
3 Ossature, enveloppes charnelles et actes des SDT
5 «Comme (le peuple) possède une grande dose d’instinct pratique…Bakounine »
6 Les limites planétaires et leur dépassement en 2022 (wiki)